Coachs professionnels fondateurs à Marseille du cabinet Renaissance Conseil, Caroline Couturier et Eric Perret viennent de publier C’est la vie, un roman de développement personnel. Le livre, outil vulgarisant par essence, aide à décrypter les mécanismes internes qui régissent l’individu à travers le parcours de quatre protagonistes. Retour sur cette expérience d’écriture.
Quel est votre parcours et comment vous a-t-il mené à l’écriture de ce roman ?
Eric Perret : J’ai eu une première vie en entreprise, en tant que directeur commercial et marketing, avant de me demander à 45 ans quelle nouvelle étape allait me porter pour les deux ou trois décennies à venir. La partie humaine a toujours été importante pour moi dans la façon de manager, l’opportunité a suivi. Je suis devenu associé d’un cabinet RH, plutôt centré sur des missions de recrutement et de formation, puis j’ai goûté au coaching. J’ai repris le cabinet en 2006 en l’orientant sur ce segment. Et avec Caroline, nous avons croisé nos routes en 2012, on s’est associé en 2013.
Caroline Couturier : Ingénieure de métier de mon côté, j’ai commencé à encadrer des équipes. Puis au bout de 10 ans d’encadrement, j’ai décidé que j’avais coché toutes les cases. Descendue à Marseille, je me suis positionnée sur la formation pour aider les managers. Puis j’ai vu que ce n’était pas suffisant dans la durabilité des effets produits. Je dérive alors vers le coaching. Or, quand on est dans un métier de transmission, on se demande comment faire durer nos enseignements. On avait commencé à écrire avec « Oser l’amour de soi. Au travail aussi » qui est un livre technique. Avec « C’est la vie », il y a une dimension plus vulgarisante, on y travaille davantage sur la dynamique de coaching de groupe que sur celle de coaching individuel, qui est plus la polarité du premier livre.
Outre le côté vulgarisant, y a-t-il d’autres raisons qui vous ont fait opter pour la forme du roman ?
EP : Ce qui nous guidait c’était d’avoir un projet dynamisant à mener. Vient alors l’intention, puis la question du choix des personnages. Nous les avons alimentés à la fois par ce que l’on est nous, mais aussi grâce aux milliers d’heures d’entretiens individuels que l’on a pu avoir lors de nos différents coachings. Du coup l’idée est venue, on a cette intention, on a nos personnages, on a deux ou trois situations de départ, et puis on avance. Une fois que l’on a ce fil-là, on regarde comment inclure des considérations plus techniques sur notre métier, à travers l’atelier de développement personnel qui représente une grosse partie du livre.
Ces quatre personnages, comment ont-ils été définis ?
CC : Nous voulions qu’ils soient le plus près possible du commun des personnes que nous rencontrons, plutôt dans l’entreprise avec un caractère bien trempé et assez suspicieux, pas très favorable à l’accompagnement, ou encore des personnes qui sont par leur profession éloignées de ces métiers-là. En fait on entendait obtenir des points cardinaux, avec différents parcours.
Si vous deviez synthétiser les configurations, les croyances de ceux que vous coachez, qu’est-ce qui reviendrait le plus souvent ?
EP : Le poids de l’éducation judéo-chrétienne, qui fait qu’à un moment donné on ne se donne pas la valeur que l’on a vraiment. Et plutôt dans les schémas « je ne mérite pas », « les autres sont mieux que moi », « il faut absolument souffrir pour réussir »… Toutes ces croyances qui deviennent limitantes dans le sens où elles vont nous demander beaucoup plus d’énergie pour aller là où on a envie d’aller. Alors que si on travaille sur des croyances plus favorisantes, tel que l’on montre dans le roman, on arrive au même résultat, mais de façon beaucoup plus écologique pour nous.
CC : Il y a effectivement la question des croyances, sachant que la personne ne vient pas forcément avec ça en banderole. Au contraire, elle arrive plutôt avec des sujets qui sont un peu comme l’arbre qui cache la forêt : « je vais quitter tel poste », « je vais apprendre tel nouveau métier »… Ce sont souvent des personnes en transition de vie professionnelle et en apparence, tout va très bien. En fait, notre métier c’est de passer outre ce qui est demandé de manière explicite pour aller creuser dans la vie de la personne et faire en sorte que le blocage s’enlève au plus profond, que l’effet durable se mette en œuvre.
A la lecture de votre livre, on a l’impression effectivement que les personnages ont une carapace, puis des éléments émergent… Est-ce simple de percer la muraille ?
EP : Tout notre métier c’est de passer à travers cette carapace, mais pas de façon brutale, parce que sinon, la personne va se retrouver nue derrière, elle sera très mal. Il nous faut trouver des moyens, pour qu’elle commence à s’avouer ses points de fragilité ou de faiblesse. Ce de la façon la plus écologique possible pour elle. Et en acceptant qui elle est, elle va pouvoir avoir un rapport aux autres totalement différent et beaucoup plus équilibré.
CC : Et puis, il y a des personnes avec lesquelles il est de bon ton de ne pas percer la carapace. Ce cheminement, c’est un peu comme chez un médecin, il y a parfois plusieurs maladies, l’une derrière les autres, et ce n’est pas forcément approprié pour la personne de se voir telle qu’elle est dans la période de vie qu’elle est en train de traverser. Ce qui est souverain, c’est la demande du client. Parfois il nous demande de rester à la surface, alors on le respecte. C’est une forme de pudeur ou d’humilité, ce n’est pas parce que nous voyons des trous dans la raquette que l’on va forcément aller au fond.
A la lecture de votre roman, on a le sentiment d’un parcours initiatique, on suit le cheminement des personnages, cela nous questionne, on suit les modèles, on se les applique… Il y a de l’introspection. Est-ce ce que vous voulez proposer en termes d’expérience lecteur ?
EP : Exactement. L’idée, c’est que le lecteur se sente concerné par les personnages. Car dans chacun, il y a un peu de lui potentiellement. C’est pour cela aussi que l’on a voulu trois temps dans ce roman. Le premier où l’on découvre les personnages, un deuxième comme un temps de travail avec d’autres et enfin un troisième où l’on retrouve les protagonistes quelques années plus tard. Car l’idée, c’est que chacun peut évoluer.
CC : L’expérience qui nous touche, c’est quand les personnes nous disent qu’elles ont lu le livre deux fois. La première pour l’histoire et la deuxième pour cheminer elles-mêmes.
Quels sont de fait les retours de vos lecteurs ?
CC : A chaque fois ils sont enthousiastes, j’imagine que certains lecteurs le sont moins et ceux-là ne nous font pas de retour. On a donc un filtrage. Pour autant, quand on regarde le contenu de ce qu’on nous communique, c’est en général une prise de conscience, un espoir, une joie très profonde dans la découverte des modèles. Par exemple, avec celui sur les piliers de la relation, j’ai eu le retour de couples me disant que ça les avait fait réfléchir dans le rapport qu’ils entretenaient à l’autre.
Justement, lors de la deuxième partie du livre, vous utilisez des modèles que vous avez conçus vous-mêmes. Comment élabore-t-on de tels outils ?
EP : On a une quête dans notre métier, c’est de rendre simples des choses qui sont très complexes. Or plus les gens comprennent les mécanismes qui les font tourner, plus ils vont pouvoir faire bouger des choses. Notre modèle pour concevoir les nôtres, c’est le triangle de Karpman. On l’a croisé lors d’une conférence et il nous disait que lorsqu’il conçoit un modèle, il a trois critères. Le premier, c’est que ça tienne en une seule page. Le deuxième, c’est que quelqu’un qui n’est pas initié puisse comprendre l’intention et ce qu’il se passe dans ce modèle, à quoi il peut servir. Et le troisième critère c’est qu’entre deux solutions, il faut prendre toujours la plus simple. C’est toujours à la base des outils que nous concevons.
CC : Pour autant, les modèles jaillissent souvent de manière très rapide. A la base, il y a des questionnements, puis des méridiens apparaissent. Après, cette trame est comme une matière première, on modèle au sens premier du terme, on manipule, on espère que cela tourne dans tous les sens possibles afin que lorsqu’on le teste, les gens nous disent « c’est évident ».
Est-ce que la crise d’aujourd’hui, qui bouleverse le monde du travail va se prêter à la création de nouveaux outils ?
EP : Cette crise nous pousse à faire encore mieux, et plus, effectivement. Il y aura un nouveau livre, qui se déroulera dans le monde de l’entreprise. On se pose la question de reprendre des personnages du premier pour les mettre dans ce deuxième roman, mais on n’en est pas encore sûr.
CC : Autre chose à articuler en ce moment, c’est de cheminer de plus en plus vers le coaching préventif plutôt que le curatif. Dans l’ambition du cabinet, il y a la volonté de moins agir en mode pompier, mais plutôt d’intervenir quand tout va bien. On a de premiers clients qui viennent comme ça, et qui nous disent « vous allez peut-être trouver notre démarche bizarre, mais nous ça va… Et on aimerait que ça dure. » Ça pour nous, c’est le Graal. C’est donc notre quête : non seulement concevoir des modèles simples pour apaiser l’angoisse, mais aussi faire de plus en plus de préventif pour être acteur d’un lendemain où l’on continue à aller bien.