Cultiver sa souplesse, c’est se connecter avec sa part d’ombre

 » En même temps « . L’expression est devenue célèbre depuis la campagne présidentielle, marque de fabrique du candidat Emmanuel Macron. Il n’en est cependant pas le propriétaire et ce « en même temps » peut avoir d’autres vertus que celle de gagner les élections.

Partout on vante l’idée d’être « ouvert d’esprit » ou celle « d’élargir le champ des possibles ». Bien belles idées, un peu floues cependant, que je me propose d’illustrer ici concrètement en vous invitant à les cultiver avec ce que j’appelle « la gymnastique de l’âme ». De même que la gymnastique traditionnelle permet d’avoir un corps plus souple et qui s’adapte plus facilement aux circonstances de la vie, il s’agit ici de cultiver sa souplesse d’esprit.

La souplesse ou la possibilité du mouvement

Tandis que la plupart d’entre nous savent qu’ils ne sont pas capables de faire le grand écart, peu d’entre nous doutent qu’ils sont ouverts d’esprit. Or, il s’agit de la même chose, comme nous le disions ci-dessus, dans un cas comme dans l’autre, s’ajuster aux circonstances de la vie. Un petit examen de conscience permet de se rendre mieux compte de la situation.

Choisissez d’abord une qualité qui vous définit. Une de ces qualités que vous pourriez mettre en avant professionnellement. Cherchez maintenant l’opposé de cette qualité. Si, par exemple, vous avez choisi « loyal », l’opposé pourrait être « traître ».

Naturellement, surtout si vous avez revendiqué la qualité de loyauté, il y a fort peu de chances que vous acceptiez l’idée que vous soyez ou même que vous puissiez être un tant soit peu « traître ». C’est alors que vous montrez un manque de souplesse : vous ne savez pas faire le grand écart entre loyal et traître, vous ne savez pas – ou peut-être seulement croyez ne pas savoir – être en même temps l’un et l’autre.

Puisqu’en effet, il y a des circonstances dans la vie, peut-être exceptionnelles, où il ne faut pas être loyal. Les résistants de la deuxième guerre mondiale, que nous célébrons à notre époque, étaient traîtres à leur gouvernement et sans doute aux yeux de nombre de leurs compatriotes.

Il n’est de vertu que libre

Ensuite, si vous ne savez pas être autre chose que loyal, alors vous n’avez aucun mérite à l’être. Si vous vous souvenez du personnage de Jessica dans le film mêlant animation et prises de vues réelles « Qui veut la peau de Roger Rabbit », elle dit : « J’suis pas mauvaise, j’suis juste dessinée comme ça ! ». Ainsi de nous, si nous prétendons que nous sommes « faits comme ça », alors il n’y a aucune vertu à être loyal ou honnête ou bienveillant ou quoi que ce soit d’autre…

Le fait d’être capable de traîtrise, pour reprendre ce simple exemple, ne signifie qu’on passe sa vie à l’être ni que nous allons soudain vendre nos meilleurs amis à des marchands d’esclave. Il s’agit d’abord de reconnaître, dans ce qu’on appelle notre part d’ombre, cette capacité que l’éducation nous a appris à refréner. Reconnaître n’est pas passer à l’acte, voire même cette reconnaissance peut nous aider justement à passer à l’acte au moment le moins opportun.

Deux raisons de cultiver sa « souplesse »

Ne pas explorer sa part d’ombre, la laisser cachée peut signifier en devenir le jouet. Saviez-vous que certains criminels, tels que les violeurs d’enfants, sont en fait incapable de fantasmer leurs actes et, si on les force à le faire, c’est pour eux insupportable. Ils passent directement à la case action sans passer par la case imagination. Ainsi de chacun d’entre nous qui pouvons soudain « péter un câble ». Ainsi des gentils qui, soudain, se mettent à assassiner leurs voisins. Quelques affaires récentes ont défrayé la chronique avec un contraste considérable entre leurs actes et la façon dont les voyaient leurs proches.

Cultiver sa souplesse, c’est se connecter avec sa part d’ombre, nos envies inavouables, nos haines honteuses, nos tentations…

C’est aussi une plus grande capacité d’ajustement face au monde qui n’est pas fait que de loyauté (ou de gentillesse, de bienveillance, etc.). C’est ainsi contribuer à se rendre soi-même et à rendre le monde plus fluide.

Laurent Quivogne – http://www.lqc.fr/

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