En improvisation théâtrale, une règle importante veut que la situation avance. C’est une faute pour un participant de ne pas participer à la construction, de ne pas être un acteur agissant et actif.
Nous l’avons vu dans un précédent article, une des fautes est la faute de refus. Votre partenaire vous fait une proposition, par exemple « je suis un violon », et vous la refusez : « non, tu n’es pas un violon ». Quelque saugrenue que puisse être cette proposition, vous n’avez pas à la refuser sèchement.
Cette règle participe d’un principe plus large : votre participation doit contribuer à enrichir la situation. Assurément, dire non n’obéit pas à ce principe. Mais il est d’autres comportements qui y contreviennent également, de façon moins évidente.
La reformulation par exemple, voire la répétition pure et simple.
« Il fait beau.
— Oui, il fait un temps magnifique. »
Bien que la reformulation soit une technique valorisée dans l’écoute active, elle ne peut pas être utilisée de façon continuelle, même par un professionnel de l’écoute, car elle laisse l’autre seul dans sa responsabilité. S’il raconte son histoire, c’est acceptable, mais si vous travaillez ensemble à coconstruire quelque chose, alors c’est insuffisant.
La vie comme un repas
De même, poser des questions. Beaucoup de personnes se sentent intelligentes en posant des questions, voire ont le sentiment de faire preuve d’empathie. Mais ce n’est pas faire preuve vraiment d’empathie que de laisser l’autre seul face aux projecteurs de votre curiosité. Et d’abord pour qui posez-vous vos questions ? Pour la personne avec qui vous êtes ou pour vous-même ? A cette question, nombreux sont ceux qui disent qu’ils ont besoin de comprendre… Comprendre pour quoi ? Pour apporter des solutions ou des conseils. Mais, le plus souvent, l’autre ne demande pas de solution ou de conseil. Il veut d’abord être entendu.
D’ailleurs, cela se retrouve dans la tendance à chercher des coupables face à un problème plutôt qu’à essayer d’y faire face. On cherche naturellement davantage le « pourquoi » que le « comment ».
En Gestalt-thérapie, nous disons plus ou moins que la vie est comme un repas. Nos désirs sont nos appétits et le monde est le garde-manger où nous allons chercher les expériences qui vont nous nourrir selon ce dont nous avons a besoin. Vient ensuite le moment de jouir de l’action — Miam ! que c’est bon — puis celui de digérer. C’est-à-dire de déstructurer ce que nous avons ingéré pour en tirer les nutriments qui vont soutenir la vie en nous et pour rejeter ce dont nous n’avons pas besoin.
L’improvisation théâtrale n’est pas différente et, à bien y regarder, l’entreprise non plus. Nous captons les opportunités qui correspondent à nos appétits. Garder la bouche fermée en ne se laissant pas pénétrer par le monde nous fait mourir de faim. Il faut croquer non seulement la pomme, mais le monde tout entier !
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