Biaise-moi (9) : la première impression est-elle toujours la bonne ?

Un adage affirme que la première impression est toujours la bonne. Pour juger d’une chose, suivre notre sentiment premier serait ainsi une voie infaillible. Il n’y a rien de plus faux. La première impression n’est pas forcément la bonne, mais incontestablement la plus puissante. Nuance.

Vous recevez en entretien de recrutement une personne au physique avenant et au contact plaisant. Inconsciemment, vous serez amené à attribuer à cette personne des qualités autres (notamment des compétences). La première impression a entraîné une fausse inférence. Voici résumée schématiquement ce fameux biais appelé « effet de halo ». Mais de quoi s’agit-il réellement ?

L’effet de halo tire son nom du cercle lumineux, de l’auréole autour de la tête de Dieu, des anges, des saints ou de certains empereurs tels que les représentait la peinture médiévale. Par extension, le halo fait référence à l’aura qui semble rayonner de quelqu’un, cette puissance quasi-magique qui influence nos choix.

Dans son ouvrage de référence Système 1, Système 2, Les deux vitesses de la pensée, le prix Nobel d’économie et chercheur en psychologie sociale Daniel Kahneman évoque une anecdote relative à son métier de professeur et plus particulièrement à sa tâche de correcteur de copies. Celui-ci s’est rendu compte qu’il était plus généreux envers les étudiants qui, dans une évaluation qui comportait cinq questions, réussissaient mieux la première question. Les cinq questions se valaient pourtant toutes dans d’égales proportions ; aucune n’était plus importante qu’une autre. Et pourtant, la réponse à la première question était décisive au sens où elle déterminait le niveau de notation des quatre autres. Un étudiant qui se tire bien de la première question, mais moins bien des quatre suivantes se trouve ainsi surévalué. Comment expliquer cela ? Sans doute par le fait que la réussite à la première question laisse une trace favorable qui incite inconsciemment le correcteur à faire davantage preuve de bienveillance pour la suite.

Pour remédier à ce constat, Daniel Kahneman a réenvisagé sa procédure de correction. Il corrige dorénavant toutes les premières questions de toutes les copies, puis inscrit les notes de cette première question à la dernière page des copies pour ne plus être insidieusement influencé dans l’évaluation de la deuxième question.

Et dans l’entreprise ?

Dans l’entreprise, il faut évidemment se méfier de l’effet de halo, notamment – nous l’avons évoqué plus haut – quand il s’agit de recruter un candidat. C’est la raison principale pour laquelle le processus de recrutement est aujourd’hui presque partout une affaire collective. Mais il faut être également attentif à d’autres moments quotidiens de la vie des entreprises, par exemple à la manière dont on conduit les réunions. Quand il est demandé à chacun d’émettre un avis sur un sujet, le premier à prendre la parole lors du tour de table bénéficie d’un avantage sur les autres. Il donne le ton. Aussi est-il judicieux de demander à chaque participant, en amont de la réunion et par écrit, un résumé de son point de vue afin de garantir une meilleure prise en compte de leur diversité.


Crédit Photo : Julia Volk – Pexels

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