Joseph P. Overton (1960 – 2003) a travaillé au Mackinac Center for Public Policy, un institut de recherche basé au Michigan. Il est connu pour avoir forgé le concept de ce qu’on a nommé, après sa mort, la « fenêtre d’Overton » ou « fenêtre du discours ». Pour lui, la viabilité politique d’une idée dépend du fait qu’elle se situe précisément dans cette « fenêtre ». Explications.
Imaginez que vous regardiez par une fenêtre : vous pouvez uniquement observer une portion délimitée du paysage devant vous. La fenêtre détermine un cadre dont vous pouvez voir l’intérieur, mais nullement l’extérieur. Ce qui est vrai du paysage physique l’est aussi du paysage intellectuel et politique. Les idées auxquelles nous avons accès nous apparaissent également à travers un cadre, celui de leur acceptabilité. La fenêtre d’Overton ne montre que les idées actuellement reconnues comme acceptables par l’opinion publique. Les idées en dehors de ce cadre, de cette « vue » sont perçues comme radicales, extrêmes ou encore purement impensables.
Les idées peuvent être classées en différentes catégories, en suivant le spectre suivant :
- Inconcevable : ces idées sont impensables dans la société actuelle.
- Radical : elles sont vues comme trop extrêmes, c’est-à-dire trop éloignées de l’opinion dominante pour être acceptées.
- Acceptable : Ces idées sont tolérées, mais si elles ne constituent pas encore la norme.
- Sensé ou raisonnable : ces idées deviennent logiques ou raisonnables. On comprend pourquoi certains les adoptent.
- Populaire : Les idées sont acceptées et soutenues par l’opinion publique.
- Politique publique : Ces idées inspirent les lois et réglementations.
Dans un article du New Yorker, le journaliste Osita Nwanevu résume parfaitement le concept : « La fenêtre d’Overton, un terme forgé par le Mackinac Center for Public Policy, décrit la gamme d’idées qui peuvent être publiquement discutées sans être considérées comme trop extrêmes. Avec le temps, cette fenêtre peut être déplacée, rendant acceptable ce qui était autrefois impensable »[1].
Déplacer la fenêtre
Considérons l’exemple du mariage homosexuel. Dans les années 1980, cette idée était inconcevable dans de nombreux pays. Cependant, à travers le travail des militants, des changements sociétaux et des décisions juridiques, l’idée a fait son chemin et gagné en acceptabilité. Aujourd’hui, le mariage homosexuel est légal en France et dans de nombreux pays. Un retour en arrière apparaît même impensable.
Quand nous constatons que l’opinion publique, les mentalités ou encore les mœurs ont changé, cela veut tout simplement dire qu’on a déplacé la fenêtre d’Overton, jetant progressivement dans la lumière certaines idées autrefois taboues ou inimaginables. Mais qui est ce « on » en question ? Les médias bien sûr, qui décident de traiter de tel ou tel sujet encore dans l’ombre, mais aussi les mouvements sociaux, les changements démographiques ou encore certains événements historiques. Cette dynamique est souvent le fruit d’efforts délibérés d’acteurs sociaux (activistes, leaders d’opinion, médias, politiciens, etc.) qui travaillent pour changer l’opinion publique en exerçant une pression constante dans l’arène publique.
« Rien n’arrête une idée dont le temps est venu », dit l’adage. La fenêtre d’Overton constitue un outil utile pour appréhender la dynamique des forces à l’œuvre permettant à une idée de se frayer une place dans nos esprits, puis dans la société.
[1] Osita Nwanevu, How Jokes Won the Election, The New Yorker, 2017.
Crédit Photo : Can Stock Photo – genenphotos