La démarche « valeurs » des entreprises s’est développée au début du siècle à la suite du scandale Enron. Elle s’est prolongée ces dernières années avec la recherche par les organisations de leur « raison d’être ». Mais quel est le sens de cette démarche centrée sur les valeurs, au-delà des belles paroles incantatoires ?
Trop d’entreprises ayant formalisé leurs valeurs se sont en effet trouvées au cœur de scandales qui ont mis en évidence la distorsion entre les belles paroles et les actes. Ces valeurs — parfois morales, le plus souvent orientées Responsabilité Sociale des Entreprises — se trouvent régulièrement infirmées par les faits. On pense ici inévitablement à Volkswagen et au « dieselgate ». Malgré l’importance accordée officiellement à certaines valeurs comme l’intégrité, la marque automobile a, dans les faits, priorisé des objectifs financiers au détriment des normes environnementales.
Le même phénomène vaut pour les salariés. Comment un salarié peut-il accorder du crédit à l’idée que l’entreprise prône l’esprit d’équipe alors que les primes sont individuelles ? Comment celui-ci peut-il croire que l’innovation est la priorité de l’entreprise si tout est fait pour cadenasser les initiatives à coups de process ? Naît alors ce que l’on nomme aujourd’hui le brown-out, ce phénomène de perte de sens au travail. L’individu se désengage en raison du manque de compréhension ou d’adhésion aux missions qui lui sont confiées et aux discours portés par la direction, en total décalage avec les pratiques.
La question de savoir si les valeurs que l’on a définies pour l’entreprise ont peu ou prou quelque chose à voir avec la réalité actuelle de l’organisation est rarement soulevée. C’est bien dommage, parce qu’une démarche valeurs qui s’inscrit dans les pratiques est porteuse de sens et de performance. Pourquoi ? « Mais parce qu’une entreprise a besoin pour être efficace, répond le philosophe André Comte Sponville, de rassembler des hommes et des femmes motivés, responsables, enthousiastes si possible, ce à quoi le profit (lequel, par définition, n’est pas pour les salariés) ne saurait suffire. »
Pour qu’une somme d’individus devienne un groupe, il faut fédérer et, pour cela, convenir d’un certain nombre d’intérêts convergents et se reconnaître en des valeurs communes. Ce n’est pas simplement un supplément d’âme, mais une condition nécessaire pour une performance durable.
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