« Chaque fois que nous produisons une voiture, nous le faisons au prix d’une baisse du nombre de vies humaines à venir »

La thermodynamique, fondamentalement, détaille les principes qui régissent les transferts d’énergie. Quant à l’économie, elle est un tissu complexe de transactions, d’échanges et de productions, profondément ancré dans ces mêmes principes. La liaison de ces deux domaines, au premier abord distincts, offre une perspective révélatrice sur la nature de nos systèmes économiques.

Le premier principe de la thermodynamique concerne la conservation de l’énergie. Cette loi stipule que l’énergie ne disparaît jamais dans le néant. Elle se transforme. Si vous chauffez une casserole d’eau, l’énergie est convertie en chaleur, augmentant la température de l’eau. Dans chaque transformation, l’énergie totale reste constante. Le second principe apparaît plus difficile à comprendre. Il énonce que l’entropie, ou le désordre d’un système, tend invariablement à croître. C’est une loi de la nature : les systèmes s’orientent vers un état de désordre maximal.

Economie et thermodynamique

L’économie, vue à travers le prisme de la thermodynamique et de ces deux principes, devient un jeu d’échanges énergétiques. Chaque transaction, chaque production, chaque consommation est une transformation d’énergie. Considérez un constructeur automobile. La fabrication d’un véhicule consomme de l’énergie : matières premières, électricité, main-d’œuvre. Cette énergie est transformée, selon le premier principe, en un produit fini : une voiture. La somme totale d’énergie reste constante, mais sa forme a changé. Cette transformation n’est jamais parfaite. Une partie de l’énergie est toujours « perdue », souvent sous forme de chaleur ou de déchets.

C’est là que le deuxième principe entre en jeu. L’entropie de l’économie augmente avec chaque production, chaque transaction. L’économie, comme tout autre système complexe, est soumise à ces lois de la thermodynamique. La création de valeur, la production de biens, la consommation d’énergie — tous ces processus économiques impliquent des transferts et des transformations d’énergie. Et chaque fois que l’énergie est utilisée, une partie est « perdue » sous forme de chaleur ou devient moins utilisable pour le travail futur, augmentant ainsi l’entropie.

Thermodynamique et décroissance

La décroissance reconnaît que dans un monde fini avec des ressources limitées, la poursuite continue de la croissance économique n’est pas seulement insoutenable, mais elle pourrait aussi entraîner une augmentation de l’entropie à un point où le système économique, et peut-être même le système écologique, pourrait s’effondrer. Le développement économique s’appuie donc sur l’utilisation inconséquente du stock terrestre d’énergie accumulé au cours du temps. Comme l’écrit l’économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen, qui a créé le concept de bioéconomie, « chaque fois que nous produisons une voiture, nous détruisons irrévocablement une quantité de basse entropie qui, autrement, pourrait être utilisée pour fabriquer une charrue ou une bêche. Autrement dit, chaque fois que nous produisons une voiture, nous le faisons au prix d’une baisse du nombre de vies humaines à venir. »[1]

La thermodynamique, en soulignant les limites inévitables de l’énergie et l’augmentation inexorable de l’entropie, nous rappelle que tout système — qu’il s’agisse d’une machine, d’un écosystème ou d’une économie — a ses limites.


[1] Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance, 1979.

Crédit Photo : Kelly – Pexels

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