« Dans le doute, abstiens-toi d’hésiter ! » Voilà bien le genre d’injonctions paradoxales qui nous grille le cerveau ! Difficile, dans certaines situations, de savoir si l’on doit agir ou non.
Pourquoi refuser de sauter le pas et quitter son emploi actuel pour un autre, plus stimulant a priori et également mieux rémunéré ? Pourquoi rester avec le même partenaire alors que la relation sombre dans la monotonie et que rien ne semble pouvoir rallumer la flamme, ni même une minuscule étincelle ? Ces questions, que beaucoup se posent, mettent en évidence un biais puissant : celui de statu quo.
Le biais de statu quo est la tendance à favoriser l’état des choses actuel, évitant ainsi le changement. Il existe des situations dans lesquelles le changement est souhaitable, mais nous privilégions coûte que coûte la stabilité, même si elle nous ronge à petit feu. Ce concept, étudié en psychologie et en économie comportementale, suggère que les individus ont une préférence innée pour le maintien de leur situation actuelle, perçue comme plus sûre ou moins risquée.
Dans « Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness », Thaler et Sunstein analysent ce biais et mettent en évidence comment la peur de perdre ce que l’on possède déjà surpasse souvent le désir d’acquérir quelque chose de potentiellement meilleur. A l’origine de cette peur, sans doute la peur de nourrir des regrets ou tout simplement un besoin rigide de cohérence. Le psychologue Daniel Kahneman, dans Système 1, Système 2 : les deux vitesses de la pensée, souligne également l’impact de la perte perçue sur le biais de statu quo. Il révèle que la tendance à éviter les pertes est plus forte que celle à acquérir des gains, influençant ainsi nos choix vers la conservation de l’état actuel. Voilà pourquoi on classe le biais de statu quo dans la classe des biais d’inertie, qui nous empêchent d’agir.
Mais il existe également un biais d’action, qui nous pousse au contraire à agir… même contre notre intérêt. Le biais d’action se manifeste lorsqu’une personne privilégie l’action plutôt que l’inaction, même lorsque celle-ci s’avère contre-productive. Ce phénomène trouve ses racines dans notre prédisposition naturelle à valoriser l’action.
Prenons l’exemple d’un investisseur boursier qui, face à un marché instable, décide de vendre ses actions précipitamment. Il succombe au biais d’action, préférant agir plutôt que de geler sa position. Il peut ainsi perdre beaucoup, alors que prendre patience et viser un plus long terme lui permettrait de limiter la casse et même de se « refaire ». Comme l’indiquent Daniel Kahneman et son co-auteur Amos Tversky dans leurs études sur la théorie des perspectives, les dirigeants influencés par ce biais optent souvent pour des actions qui semblent avantageuses à court terme, ignorant les conséquences à long terme.
Agir ou pas ? Bien entendu, la question se pose au cas par cas. La vraie question est celle de l’impulsivité. Comment je prends mes décisions ? Quels sont les critères à prendre en compte pour éviter la tentation du sur place ou celle de l’agitation ? Penser long terme, ne jamais prendre de décisions importantes sur le coup, mais les mûrir au moins quelques jours… tout cela ne garantit pas de prendre les bonnes décisions (aucune garantie dans un monde incertain), mais cela peut du moins nous éviter d’en prendre quelques mauvaises.
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