L’épidictique, selon Aristote, est cette partie du discours qui loue (par exemple, un éloge funèbre) ou qui blâme. Mais c’est aussi, nous dit Victor Ferry de qui je m’inspire pour ces articles dans sa vidéo, un moyen important de resserrer les rangs.
Le vidéaste évoque les discours sur l’état de l’Union aux États-Unis, qui comportent généralement deux parties :
- Une partie argumentative qui décrit le bilan politique et le justifie ;
- Une partie qui vise à resserrer les liens de la nation américaine.
Car le président américain est, nous dit-il, l’incarnation de cette cohésion.
Qu’en est-il du dirigeant d’entreprise ? Ou même du responsable d’un service. N’est-il pas, en effet, à la fois le responsable du fonctionnement de l’entité dont il a la charge, fonctionnement qui s’appuie sur des mesures concrètes, des processus, des orientations, des choix et des décisions ; et à la fois celui qui doit rassembler au-delà d’éventuelles divergences de vues.
C’est ainsi, me dit mon professeur de rhétorique, que les deux parties des discours sur l’état de l’Union sont radicalement différentes.
La première explique, la seconde inspire ;
La première démontre, la seconde montre tout simplement.
Raison d’être
Elle montre qui « nous » sommes – si je me mets à la place d’un américain – et pourquoi nous sommes ensemble. Elle montre les valeurs qui nous portent et ce que nous avons fait ensemble, pourquoi nous sommes ensemble.
C’est ainsi que, dans cette partie, il n’y a pas de « parce que ». Il n’y a pas de volonté de convaincre ou d’expliquer, mais simplement – et c’est beaucoup – de donner à voir qui nous sommes ensemble.
Concrètement – et vous pouvez le voir dans la vidéo – Lyndon Johnson dans son discours de 1965 évoque la terre de ses ancêtres, montre comment c’était une terre désolée et inhospitalière et dit ce que les hommes en ont fait, portés, ajoute-t-il, par plus que l’envie de se nourrir et de se trouver un toit, porté par un rêve. Et nous, auditeurs, nous voyons prendre forme l’idée du rêve américain capable de porter tout un peuple.
Tout aussi concrètement, combien de temps prenez-vous, quels efforts faites-vous pour fédérer vos équipes autour d’une raison d’être, autour de la cause qui porte votre entreprise ? Osez-vous vous aventurer dans le lyrisme, dans la poésie, dans l’émotionnel nécessaires à ce genre de discours ? Qui certes ne se fait pas sans préparation, et de vous-même, et de votre auditoire qui pourrait se montrer cynique (voir la vidéo à ce sujet).
Pour relier ce sujet à ma propre cause, je dirais qu’une cause commune, qu’un sentiment d’appartenance fort de vos équipes constitue le « sol » nécessaire pour qui puissent s’exprimer et se dénouer sainement les conflits qui circulent dans votre organisation. C’est parce que j’y crois, parce que c’est important pour moi que je suis capable de me mobiliser jusqu’à dire comment et pourquoi je ne suis pas d’accord, y compris avec mon supérieur, et ce dans l’intérêt de l’entreprise.
En résumé :
- La raison et le discours argumentatif ne suffisent pas à faire de vous un dirigeant. Vous êtes l’incarnation de la cohésion de vos équipes.
- Osez le lyrisme, mais préparez-vous
- Donnez du sol à vos conflits