Imaginons un individu fermement opposé à une mesure écologique comme l’interdiction des voitures diesel en ville. Plus on lui présente de nombreuses et solides études scientifiques prouvant l’impact positif de cette interdiction sur la qualité de l’air et la santé publique, plus il renforce son opposition. C’est à n’y rien comprendre !
Ce phénomène qui vous revient dans la figure contre toute attente — le bien nommé « effet boomerang » — désigne une situation où une tentative de persuasion produit l’effet inverse de celui escompté : au lieu d’adhérer à une nouvelle information, les individus radicalisent leur opinion initiale, même si cette dernière est erronée. Ce phénomène se produit généralement lorsque les personnes sont déjà fortement attachées à leurs croyances ou lorsqu’elles se sentent menacées par l’information reçue. Elles se mettent alors sur la défensive.
Communication de santé et climat
Un exemple frappant de l’effet boomerang est observé dans les campagnes de santé publique. Lors de campagnes contre le tabac ou en faveur de la vaccination, certaines personnes, confrontées à des preuves convaincantes sur les dangers du tabagisme ou de la non-vaccination, ont paradoxalement redoublé dans leur rejet de ces messages. L’effet boomerang se révèle également dans le débat sur le changement climatique. Une étude de Nyhan et Reifler a montré que lorsqu’on fournit des études scientifiques contredisant des idées fausses (comme le fait que le réchauffement climatique serait un mythe), certaines personnes n’en démordent pas et défendent leurs positions bec et ongles. Ce mécanisme pourrait être lié au fameux biais de confirmation : les individus recherchent et interprètent l’information d’une manière qui conforte leurs croyances préexistantes.
Identité et réactance
L’effet boomerang résulte principalement de deux facteurs psychologiques.
D’une part rentre en compte la notion d’identité. Lorsque l’information menace un aspect fondamental de l’identité d’un individu (ses valeurs, ses croyances, son groupe social), la résistance devient inévitable. La théorie de l’auto-affirmation de Steele explique qu’un individu, confronté à une menace sur son identité, peut réagir en renforçant la dimension attaquée pour se protéger.
D’autre part, le biais de réactance entre en jeu. Ce biais fonctionne comme une réaction d’autodéfense. Lorsque les individus se sentent contraints de changer d’opinion, les individus revendiquent leur liberté de pensée. Ils construisent des remparts pour protéger leur point de vue de toute argumentation et en font une forteresse inexpugnable.
Comment contourner l’effet boomerang ?
Face à l’effet boomerang, les communicants doivent revoir leurs approches. L’approche qui consiste à attaquer frontalement les croyances des individus n’a que peu de chance d’aboutir. Mieux vaut mener la charge de biais, progressivement, en inoculant « au compte-goutte » des informations qui questionnent en douceur l’opinion de son interlocuteur sans jamais la menacer directement. On crée lentement de petites brèches dans la muraille dans lesquelles va s’infiltrer le doute.
Autre élément important : valoriser les interlocuteurs en renforçant des aspects de leur identité qui ne sont pas menacés par l’information donnée. Si des individus se sentent confiants dans d’autres domaines de leur vie, ils sont plus ouverts à reconsidérer leurs croyances.
Enfin, utiliser des exemples concrets et s’appuyer sur des récits personnels plutôt que des arguments purement scientifiques peut faciliter l’adhésion. Relater l’histoire réelle d’un individu qui a changé d’avis sur un sujet controversé a souvent plus d’impact qu’un long exposé de faits et qu’une série d’études…