Dans leur ouvrage Au commencement était… : Une nouvelle histoire de l’humanité, l’anthropologue David Graeber et l’archéologue David Wengrow remettent en cause l’idée largement répandue selon laquelle l’humanité serait naturellement portée vers la hiérarchie, la domination et la soumission.
À rebours de ces représentations largement partagées, les auteurs avancent que nos lointains ancêtres étaient animés par le respect de trois droits fondamentaux : la liberté de mouvement, la liberté de décision et la possibilité de créer de nouveaux liens sociaux.
- Le premier droit consiste en la liberté de se mouvoir sans entraves, de ne pas être assigné à résidence ni contraint dans ses déplacements, de faire sa vie là où on le désire. Selon les auteurs, cette aspiration était profondément ancrée chez les chasseurs-cueilleurs nomades des premiers temps. « La liberté de se déplacer à volonté était considérée comme un droit humain fondamental par la plupart des sociétés de chasseurs-cueilleurs. » Pouvoir choisir son lieu de vie et errer à sa guise répondait à un besoin viscéral de l’être humain. Toute forme de sédentarisation forcée ou d’immobilité imposée était ainsi perçue comme une négation de la liberté fondamentale.
- Le second droit inhérent défendu est celui de prendre ses propres décisions et de déterminer son mode de vie sans se voir dicter ses choix par une autorité supérieure. Les sociétés égalitaires de nos lointains ancêtres fonctionnaient de manière horizontale et consensuelle, bannissant toute forme de coercition ou de commandement autoritaire permanent. Chacun jouissait d’une autonomie décisionnelle pleine et entière sur les questions touchant à son existence. « Les membres de ces sociétés égalitaires jouissaient d’une remarquable autonomie pour décider de leur propre existence, sans être soumis à un pouvoir coercitif permanent. »
- Enfin, Graeber et Wengrow mettent en lumière un troisième droit essentiel : celui de tisser librement des liens sociaux et d’appartenir aux communautés de son choix. « L’appartenance à des groupes sociaux n’était nullement fixée par la naissance, mais s’organisait de manière souple et volontaire. » Les êtres humains n’étaient nullement contraints d’intégrer des groupes prédéfinis, mais avaient la faculté de créer eux-mêmes leurs propres réseaux d’appartenances multiples selon leurs affinités. Cette autodétermination dans la constitution des liens sociaux primait sur tout autre impératif.
Ces trois droits fondamentaux — liberté de mouvement, liberté de décision et liberté d’association — dépeignent une humanité primitive réfractaire à toute forme d’assujettissement et de domination. Une image aux antipodes du mythe d’un « homme des cavernes » brutal et soumis à la loi du plus fort. Cette conception nous invite également à repenser nos sociétés contemporaines à l’aune de ces libertés fondamentales, qui, aujourd’hui, dans nos sociétés contemporaines, semblent bien mises à mal.
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