Depuis quelques jours, il n’y en a que pour lui dans les médias. Lui, c’est Georges Pompidou, second président de la cinquième République, disparu il y a cinquante ans, le 2 avril 1974. Mais que se cache-t-il derrière la nostalgie du pompidolisme ?
Cet anniversaire suscite un peu partout dans la presse une épidémie de nostalgie. Ah Pompidou ! La culture. L’intelligence. Une action remarquable. Sous la présidence de Georges Pompidou, de 1969 à 1974, la France connaît une croissance soutenue, grâce notamment à la politique de modernisation et de développement des infrastructures. C’est en effet sous Pompidou que les grands chantiers du nucléaire français ont été lancés et que le réseau autoroutier s’est développé. C’est aussi sous Pompidou que l’agriculture française s’est modernisée ; elle est devenue plus productive et compétitive.
A ce moment, la France était encore la France, à savoir une puissance économique, culturelle, et militaire qui comptait dans le monde. Nombreux sont ceux qui déplorent l’évolution de notre pays, évolution qu’ils n’hésitent pas à qualifier de déclin, voire d’effondrement. Sur le plan géopolitique, la France est aujourd’hui contestée et malmenée. Elle apparaît comme une puissance bien impuissante. Sur le plan intérieur, la France a considérablement changé. Il suffit de lire les ouvrages de Jérôme Fourquet pour comprendre — analyses et chiffres à l’appui — les grandes mutations qui ont traversé la France ces cinq dernières décennies, ainsi que les fractures qui se sont creusées.
Mais sous la période du président Pompidou, d’autres évènements ont façonné le monde dans lequel nous visons aujourd’hui, événements dont les médias parlent moins. Citons-en trois.
- Sous Pompidou, l’aménagement urbain subit une transformation majeure, marquée par une priorité donnée à l’automobile. On se rappelle la phrase célèbre du président Pompidou : « Il faut adapter la ville à la voiture ». La voiture, symbole de modernité et de progrès… Plus qu’un symbole, un marqueur civilisationnel dont nous cherchons maintenant à nous affranchir.
- En 1972 paraissait le rapport Meadows, qui nous alertait d’une catastrophe à venir. Les conclusions du rapport étaient alarmantes : si les tendances de croissance dans cinq domaines (croissance démographique, production alimentaire, industrialisation, pollution et épuisement des ressources naturelles) se poursuivaient sans changement drastique, nous irions inéluctablement vers un effondrement irréversible de la population et de la capacité économique d’ici le milieu du XXIe siècle. Le rapport insistait sur la nécessité de « l’état de non -croissance équilibrée ». Le constat était posé ; nous tentons depuis de réagir, avec l’efficacité que l’on sait.
- Un an plus tard, nous assistions au premier choc pétrolier, qui plomba la croissance et contribua à clore la période des fameuses Trente Glorieuses. En 1973, les pays membres de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) imposèrent un embargo pétrolier aux pays soutenant Israël lors de la Guerre du Kippour, entraînant une crise énergétique mondiale et des augmentations significatives des prix du pétrole qui affectent significativement les économies mondiales. Cinquante ans plus tard, où en sommes-nous ? Les Ministres de l’économie et des finances successifs dansent bras levés en implorant les dieux de l’économie de faire revenir la sacro-sainte croissance. Sans succès. À peine montre-t-elle le bout de son nez qu’aussitôt elle disparaît.
La France n’est plus la France. Mais la France d’aujourd’hui s’est faite hier. Aussi faut-il nuancer le bilan des années Pompidou. Vivait-on mieux alors ? Rien n’est moins sûr. Nous sommes victimes ici du biais rétrospectif, qui nous fait idéaliser après-coup un passé objectivement pas si rose. Nous fantasmons le passé. Ce qui est évident en revanche rétrospectivement, c’est qu’à cette époque, l’histoire change de trajectoire : le monde se désoccidentalise et la religion du progrès technique et de la croissance économique commence à marquer le pas.
Crédit photo : Unsplash – Latrach Med Jamil