Il y a trois ans, la nouvelle est accueillie comme une victoire. Enfin, on allait dompter les multinationales, toutes expertes dans l’optimisation fiscale, quand il ne s’agit pas d’évasion pure et simple. Un accord, auquel près de 140 pays ont adhéré, pourrait rapporter 220 milliards de dollars de recettes fiscales chaque année en leur imposant un impôt de 15% a minima. Cette mesure s’applique au 1er janvier 2024.
En 2021, tous les médias ont salué cette avancée historique tant attendue. La réforme fiscale est portée par des acteurs puissants, comme l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, et l’Australie, ainsi que d’anciens paradis fiscaux.
Cette initiative, selon Paolo Gentiloni, commissaire européen à l’économie, est qualifiée d’« aube nouvelle pour l’imposition des grandes multinationales ». « Plus qu’une avancée, c’est un changement de monde », titrait RFI.
Rien que ça.
Mais aujourd’hui, qu’en est-il ?
Pour Gabriel Zucman, chercheur à l’École d’économie de Paris, directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité, « l’accord a été vidé d’une grande partie de sa substance sous l’effet du lobbying des territoires qui ont bénéficié à plein de la concurrence fiscale ».
Si la délocalisation complètement artificielle des bénéfices dans des paradis fiscaux va devenir impossible (ce qui est en soi une bonne nouvelle), il va rester possible pour les multinationales qui ont des activités en Irlande, ou à Singapour ou en Suisse, d’avoir des taux effectifs d’imposition inférieurs à 15%. L’Organisation de coopération et de développement économiques a en effet consenti à prévoir des déductions lorsque l’implantation d’une entreprise sur un territoire à la fiscalité avantageuse représente une activité réelle, avec des usines ou des employés.
Aujourd’hui, combien de médias reviennent sur leurs propos et nuancent l’importance de l’avancée en question ? Très peu. Ils se comptent sur les doigts d’une main. Quand une nouvelle chasse l’autre, que d’effort pour revenir quelques années plus tôt et vérifier que ce qui a été annoncé est bien ce qui se produit.
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