Qu’est-ce que la Mégamachine ?

Dans son ouvrage The Myth of the Machine, l’historien des sciences et des techniques Lewis Mumford décrit la Mégamachine comme une combinaison de structures technologiques, sociales et politiques qui fonctionnent de manière coordonnée, au détriment de la liberté individuelle et de l’environnement.

Mumford soutient que les premières Mégamachines étaient composées non pas de machines mécaniques, mais d’êtres humains organisés en des structures sociales hiérarchisées, comme les pyramides égyptiennes ou les grands empires de l’Antiquité. Au cœur de la Mégamachine se trouve un pouvoir centralisé qui orchestre et dirige ses différentes composantes, que ce soit un pharaon, un empereur, une institution ou une technologie particulière. Ainsi, la Mégamachine n’est pas la caractéristique de sociétés aux technologies sophistiquées (les techniques de l’Égypte antique étaient rudimentaires), mais de celles qui visent et développent une organisation machinique et militaire du fonctionnement institutionnel. La Mégamachine représente l’interaction entre la technologie et la structure sociale. Mais pour l’historien américain, la Mégamachine, à savoir la structure sociale, est première par rapport à l’invention des outils. Elle est la condition au progrès technologique.

Organisation machinique et militaire

Mumford était préoccupé par le fait que la technologie, en particulier dans les sociétés industrielles modernes, pourrait être utilisée pour contrôler et opprimer plutôt que pour libérer et améliorer la condition humaine. Critique envers la croyance en un progrès technologique sans fin et sans conséquence, Mumford voit en la Mégamachine moderne, avec sa dépendance excessive à la technologie et sa quête insatiable de croissance et de pouvoir, une menace pour l’équilibre écologique bien sûr, mais aussi et avant cela pour la démocratie et la liberté individuelle. La Mégamachine est le fait d’une organisation machinique et militaire du fonctionnement institutionnel : elle produit un fonctionnement mécanique, froid, abstrait des institutions humaines. L’humain s’abandonne à la technocratie. « Un guêpier machinique » selon Mumford.

« Les inventeurs des bombes atomiques, des fusées spatiales et des ordinateurs sont les bâtisseurs de pyramides de notre temps : leur psychisme est déformé par le même mythe de puissance illimitée, ils se vantent de l’omnipotence, sinon de l’omniscience, que leur garantit leur science, ils sont agités par des obsessions et des pulsions non moins irrationnelles que celles des systèmes absolutistes antérieurs, et en particulier cette notion que le système lui-même doit s’étendre, quel que soit le coût ultime pour la vie ».[1]


[1] Lewis Mumford, Technique autoritaire et technique démocratique, Éditions La Lenteur, 2021.

Crédit Photo : Miguel Á. Padriñán – Pexels

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