En Allemagne, le dollar, qui s’échangeait autour de 420 marks en juillet 1922, valait 49 000 marks en janvier 1923. Le prix au détail passe de l’indice 1 en 1913 à 750 milliards en novembre 1923. Dans les restaurants, le prix des repas servis varie entre le moment de la commande et celui où ils sont présentés aux clients. Des crieurs de prix sont payés afin d’informer ces derniers des changements de prix. Pourrions-nous renouer avec l’hyperinflation à l’Allemande ?
Depuis un an, l’inflation est en progression, alimentée par la hausse des matières premières, de l’énergie et des produits agricoles. La multiplication des pénuries concernant tant les biens intermédiaires que la main-d’œuvre contribue également à la hausse des prix. Celle-ci est également favorisée par l’importance des liquidités injectées dans l’économie par les banques centrales depuis la crise financière de 2008/2009. Dans ce contexte, les banques centrales peuvent-elles perdre le contrôle de l’inflation, celle-ci se muant en hyperinflation ?
La transformation de l’inflation en hyperinflation suppose en règle générale une forte indexation des salaires nominaux sur les prix, générant une boucle prix/salaire. Pour le moment, que ce soit aux États-Unis ou en zone euro, la sous-indexation des salaires aux prix est de mise. En zone euro, selon Eurostat, les salaires nominaux augmentent de 4 % quand l’inflation dépasse 10 %. Aux États-Unis, les salaires nominaux progressent de 5 % avec une inflation qui évolue autour de 8 %. L’accélération de l’inflation, en zone euro, provoque la multiplication des revendications salariales. Aux États-Unis, la stabilisation de l’inflation pourrait réduire ce risque.
Quelle est la mécanique de l’hyperinflation ?
L’évolution de l’inflation dépend des politiques monétaires pratiquées. Aux États-Unis, elle est restrictive du fait de la hausse des taux directeurs et, plus encore, en raison de la réduction depuis le mois de juillet de l’offre de monnaie. Au sein de la zone euro, la banque centrale a relevé plus modérément ses taux et la réduction de la base monétaire n’a pas réellement été amorcée.
L’hyperinflation se nourrit également de la dépréciation du taux de change qui renchérit le coût des importations. Le dollar s’étant apprécié, ce phénomène n’est pas à l’ordre du jour aux États-Unis. L’euro s’est déprécié surtout par rapport au dollar jusqu’au mois de septembre 2022. Depuis, il s’est stabilisé, voire a légèrement augmenté.
Une politique budgétaire expansive est une source d’alimentation de l’inflation. Aux États-Unis, la réduction du déficit est rapide : celui-ci est passé de 14 à 4 % du PIB de 2020 à 2022. Pour la zone euro, sa réduction est plus lente. Il devrait s’élever à 4,5 % du PIB en 2022, contre 7 % en 2020. Il pourrait se situer entre 4 et 5 % en 2023.
Si des facteurs d’accélération de l’inflation existent de part et d’autre de l’Atlantique, ils sont plus puissants au sein de la zone euro. Celle-ci est exposée plus nettement aux surcoûts provoqués par la guerre en Ukraine. Le fort endettement des États membres limite les marges de manœuvre de la banque centrale. Malgré tout, en l’état actuel, ni les États-Unis, ni la zone euro ne sont menacés par une hyperinflation.
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