En France, les pouvoirs publics privilégient le soutien aux consommateurs à travers l’attribution d’importantes prestations sociales et l’application de mesures ciblées en vue de maintenir leur pouvoir d’achat. Cette priorité donnée aux consommateurs prend également la forme d’une préférence accordée aux distributeurs par rapport aux producteurs. Mais cette situation a accentué les délocalisations qui permettent une baisse des prix des produits consommés en France et un coût élevé du travail peu qualifié.
Cette politique favorable en France aux consommateurs, aux ménages, conduit à une dégradation des conditions de l’offre de biens et services, d’où la détérioration du commerce extérieur, les pertes de parts de marché pour l’industrie, la faiblesse du taux d’emploi et un taux de chômage des salariés peu qualifiés élevé par rapport à celui constaté chez nos principaux partenaires économiques
Le biais pro-ménages en France se traduit par l’importance des dépenses sociales qui représentent un tiers du PIB, soit six points de plus que la moyenne de la zone euro. Les seules prestations sociales s’élèvent à 28 % du PIB, contre 22 % en moyenne de la zone euro. Les inégalités sociales après redistribution sont parmi les plus faibles d’Europe. Le rapport entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches toujours après redistribution est de 3,5. Il est relativement stable dans la durée. Pour améliorer le pouvoir d’achat, les gouvernements en France ont institué une prime dite d’activité qui prend la forme d’un complément de revenu créé en 2016 et dont les conditions d’accès ont été élargies lors de la crise des « gilets jaunes » en 2019. L’attribution de cette prime est conditionnée par un niveau de ressources qui ne doivent pas excéder 1,5 SMIC pour une personne célibataire. Le montant reçu est en en moyenne de 185 euros par mois. Le barème est fonction de la situation maritale, du nombre d’enfants à charge et des autres allocations perçues. Le nombre d’allocataires était, en juin 2022, de 4 607 400 et le coût pour les finances publiques est de 10 milliards d’euros. Ces politiques sociales de grande taille sont financées en France par une pression fiscale forte sur les entreprises. Les impôts de production, les impôts sur les profits et les cotisations sociales représentent 18 % du PIB en France contre 12 % pour la zone euro (sans la France).
Politique de réduction des coûts
Dès le début de la guerre en Ukraine, les pouvoirs publics ont dû mettre en place un plafonnement des prix de l’énergie pour les ménages, plus favorable que dans les autres pays européens quand les entreprises ne perçoivent pas pour l’instant d’aides d’une même ampleur. Ces mesures de soutien ont permis de limiter de moitié l’augmentation globale des prix. Pour les consommateurs, la prise en charge dépasse 80 %. En France, la politique de la concurrence pénalise les producteurs et favorise les distributeurs qui compriment les marges bénéficiaires des premiers au profit des consommateurs. Les grands distributeurs contrôlent une part importante du commerce, ce qui leur permet d’imposer des tarifs faibles aux producteurs qui sont contraints de les accepter pour ne pas être déréférencés. Cette préférence donnée aux consommateurs a conduit les producteurs à privilégier les délocalisations pour réduire leurs coûts.
Ces délocalisations s’expliquent en partie par le coût élevé des salaires en prenant en compte les cotisations sociales pour les emplois à faible qualification. Le salaire minimum represente en France 60 % du salaire médian contre 50 % en Espagne ou en Allemagne. Les salaires se concentrent en France entre le SMIC et le salaire médian. Ils sont relativement faibles par rapport à l’Allemagne et les autres pays d’Europe du Nord mais ils sont élevés en intégrant les cotisations et cela d’autant plus que la France se caractérise par un nombre élevé d’emplois non qualifiés dans le secteur tertiaire. L’emploi dans l’industrie ne représente plus que 9 % de l’emploi total contre près de 20 % en Allemagne.
L’avantage donné à la consommation a pour conséquence une importante dégradation du solde du commerce extérieur de la France. Le déficit a atteint plus de 120 milliards d’euros au courant de l’année 2022. La France est un pays européen qui a connu les plus fortes pertes de marché depuis 1999, -55 %. Depuis 2002, les exportations françaises en volume ne se sont accrues que de 40 % contre +140 % pour la zone euro (sans la France) et +120 % pour l’Allemagne. La désindustrialisation et le poids élevé des charges sociales pesant sur les entreprises françaises conduisent à un faible taux d’emploi. Il est de 67 % en France, contre 70 % en zone euro (hors France) et 77 % en Allemagne. En 2002, le taux d’emploi de la France était voisin de celui de l’Allemagne. Autre conséquence, le taux de chômage des salariés peu qualifiés est deux fois plus important en France qu’en Allemagne.
Depuis une quarantaine d’années, la France a mis en place une politique économique favorable aux salariés, aux ménages et aux consommateurs. Les conséquences logiques de cette politique ont été la dégradation des conditions de l’offre avec à la clef une détérioration du commerce extérieur, une désindustrialisation et un faible taux d’emploi. En outre, les salaires nets proposés aux salariés sont plus faibles du fait de la désindustrialisation ; l’écart avec l’Allemagne est de 20 %. La priorité devrait être donnée à la montée en gamme, à la maîtrise des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, ainsi qu’à l’augmentation des dépenses de formation.
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