Le débat public en France est focalisé autour des thèmes des inégalités, de la protection sociale, de la santé, de l’insuffisance des moyens alloués à l’éducation. Or, sur ces sujets, la France est plutôt un exemple au sein des pays de l’OCDE. En revanche, plusieurs problèmes sont occultés comme ceux liés aux finances publiques, aux déficits extérieurs, à la faible qualification des actifs, au taux d’emploi réduit, au coût du logement, etc.
Après prise en compte des politiques redistributives (transferts sociaux, impôts progressifs), les inégalités sont plus faibles en France que dans la quasi-totalité des pays européens et de l’OCDE. La France est soit montrée comme exemple en la matière, soit raillée pour le poids excessif de ses dépenses sociales. En revanche, avant prestations sociales, la France est un pays à fortes inégalités. L’indice Gini qui mesure les inégalités de revenus est de 0,52 en France avant redistribution, contre 0,50 dans la zone euro (hors France). Après redistribution, l’indice est de 0,29 en France, contre 0,31 en zone euro (hors France) et 0,36 % au sein de l’OCDE (hors France).
Une demande vive en dépenses sociales
La faiblesse des bas salaires est souvent mise en avant en France. Or le salaire minimum est élevé par rapport au salaire médian. Il représente 60 % du salaire médian, contre 50 % en Allemagne ou 30 % aux États-Unis. Les salariés ayant de faibles rémunérations bénéficient, dans notre pays, d’un supplément de revenus à travers la Prime d’activité.
La demande en dépenses sociales est vive et a été relayée par de nombreux candidats durant la récente campagne présidentielle. Une hausse des minima sociaux, des pensions, des dépenses de santé, etc. a été réclamée quand bien même la France est déjà le pays de l’Union dont le poids des prestations sociales par rapport au PIB est le plus élevé. Les dépenses en faveur de la santé, de l’emploi et de la famille sont supérieures de près de 3 points de PIB à la moyenne de la zone euro (12,8 % du PIB contre 10 % en 2021). La France est le pays de l’Union, après l’Italie, qui dépense le plus pour les retraites, 14 %, soit 2,5 points de PIB que la moyenne de la zone euro.
Par rapport à la moyenne de la zone euro, la France consacre 0,75 point de PIB de plus à l’éducation (5,50 contre 4,75 % du PIB). Au classement PISA réalisé par l’OCDE, la France se classe derrière les pays d’Europe du Nord et derrière l’Allemagne. Elle recule d’enquête en enquête.
La voie choisie par la France diverge de celle prise par ses partenaires. La correction des inégalités sociales en ayant recours essentiellement aux dépenses publiques accroît le déficit public et la dette publique.
Industrie en berne et déficit commercial abyssal
La France souffre d’un taux d’emploi faible, ce qui limite sa production et ses recettes publiques. Le taux d’emploi s’y élève à 67 %, contre 72 % aux États-Unis, 77 % en Allemagne et 80 % aux Pays-Bas. Le faible poids de l’emploi industriel a pour conséquence un nombre élevé d’emplois sans qualification et à faible rémunération. L’emploi industriel représente 9 % de l’emploi total en France, contre plus de 15 % au Japon, en Allemagne ou en Italie. Le poids limité de l’industrie en France explique en grande partie l’imposant déficit commercial qui s’accroît de mois en mois. Au premier trimestre 2022, sur un an, la balance commerciale française a été déficitaire de 100 milliards d’euros, ce qui constitue un nouveau record historique. La réindustrialisation de la France bute sur le faible de compétences de la population active. Selon le classement PIAAC de l’OCDE, la France se classe au 21e rang mondial. L’industrie française manque cruellement d’ingénieurs et de techniciens.
En vingt ans, le prix des logements a été multiplié par 2,4. Si le pouvoir d’achat a augmenté à un rythme soutenu, il n’a néanmoins pas suivi l’évolution du prix de l’immobilier. En prenant en compte le coût des logements, le niveau de vie des Français s’est dégradé à la différence de celui des Allemands ou des Néerlandais. Le coût élevé du logement représente 36 % du revenu des Français du premier décile, les plus modestes. Ce surcoût immobilier dans un pays à faible densité de population (deux fois moins qu’en Allemagne) peut surprendre. Il est la conséquence d’un malthusianisme foncier et de la faible productivité du secteur de l’immobilier. Les importantes aides fiscales au secteur du bâtiment, près de 40 milliards d’euros, conduisent plus à la hausse des prix qu’à l’augmentation concrète de l’offre. La construction de logements neufs avoisine 380 000 par an quand les besoins sont estimés à plus de 500 000.
L’augmentation des compétences, l’amélioration de la formation, la relance de la construction, le relèvement du taux d’emploi constituent des défis à surmonter. Ils exigent du temps et de la persévérance de la part des acteurs impliqués.
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