Le conflit ukrainien souligne l’interdépendance économique des États en matière d’approvisionnement en énergie, en matières premières ou en produits agricoles. La crise sanitaire avait également révélé la fragilité des chaînes de valeur et les risques de dépendance pour certains produits (masques, microprocesseurs, etc.). Depuis la crise financière de 2008, de plus en plus de voies en appellent à une dé-globalisation et à une réindustrialisation au sein des pays occidentaux. Si pour le moment, les passages à l’acte sont assez limités, la montée des tensions géopolitiques pourrait changer la donne.
Le conflit ukrainien aboutit à une mise à l’index de la Russie qui est la 12e puissance économique mondiale. La Chine — qui est la deuxième — fait de plus en plus l’objet de critiques de la part des Occidentaux tant sur le terrain des droits de l’homme que sur les risques qu’elle fait peser au niveau de l’indépendance économique. Si la fin de la mondialisation devenait une réalité, quelles en seraient les conséquences ?
La Russie demeure incontournable pour certaines matières premières
En 2021, les importations de l’OCDE en provenance de la Russie représentaient 0,5 % du PIB quand les exportations vers ce même pays s’élevaient à 0,2 % du PIB. Ces dernières avaient été divisées par deux depuis l’annexion de la Crimée en 2014, les importations ont de leur côté baissé de 30 %. Malgré la contraction des échanges, la Russie demeure incontournable pour certaines matières premières. Elle est à l’origine, au niveau mondial, de 44 % de la production de palladium, de 16 % du gaz naturel, de 16 % du titanium, de 12 % du pétrole, de 11 % du blé, de 7 % du nickel, de 6 % de l’aluminium, de 4 % du cuivre et de 3,8 % de l’acier. Si la taille de l’économie russe est relativement faible, elle faisait néanmoins l’objet d’importants flux d’investissements directs de la part des entreprises des pays occidentaux. Selon les années, ces flux atteignent entre 50 et 100 milliards de dollars.
Depuis plusieurs années, les relations se tendent entre l’Occident et la Chine. Des sanctions ont été prises pour limiter l’accès à certaines technologies. La montée aux extrêmes pourrait intervenir en cas de conflit autour de Taïwan. Un découplage de la Chine entraînerait des conséquences considérables compte tenu de son poids dans le commerce mondial et de l’importance des investissements étrangers dans ce pays. La Chine représente 17 % des exportations et 13 % des importations mondiales. Le montant des investissements directs étrangers s’élève à 300 milliards de dollars par an.
Une forte contraction du commerce international ?
La segmentation du monde en deux blocs signifierait, dans un premier temps, une forte inflation avec une diminution du pouvoir d’achat des ménages. Les coûts de production de la Chine sont inférieurs de 30 % à ceux de l’OCDE. Les prix de l’énergie et des matières premières pourraient être multipliés par deux. Le prix des biens électroniques, informatiques, celui des vêtements et de nombreux autres produits pourraient augmenter de 30 à 70 %. Il y aurait un effet direct sur la consommation des ménages avec des arbitrages à réaliser. Les investisseurs occidentaux devraient faire, par ailleurs, l’impasse sur tout ou partie du stock de capital qu’ils possèdent en Chine ou en Russie, près de 4 000 milliards de dollars. Le commerce international connaîtrait une forte contraction, autour de 20 %.
Les flux financiers seraient profondément modifiés par l’instauration d’un nouveau rideau de fer. La Chine détient plus de 3 500 milliards de dollars de réserves en devises occidentales (essentiellement dollars et euros). Ce pays développerait son propre système financier indépendamment de celui des Occidentaux.
La partition du monde s’accompagnerait par une baisse de la croissance et par une réorganisation des économies dans un environnement protectionniste. Les États en mettant l’accent sur la réindustrialisation seraient en effet tentés de remettre au goût du jour des mesures de protection de leur marché intérieur. L’emploi industriel qui ne représente plus que 11 % du total au sein de l’OCDE devrait augmenter tout comme le poids de la valeur ajoutée de l’industrie au sein du PIB. Celle-ci est inférieure à 14 % quand elle dépassait 30 % dans les années 1970.
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