Et si le problème fondamental de notre pays résidait dans la baisse du niveau de formation ?
Une enquête du ministère de l’Éducation nationale, publiée le 16 novembre dernier, souligne que les élèves des classes primaires, CP et CE1, avaient retrouvé les niveaux d’avant le premier confinement, durant lequel les classes avaient été fermées. 81,6 % des écoliers de CP, en français, ont obtenu un taux de maîtrise « satisfaisant » pour « manipuler les syllabes », alors qu’ils n’étaient que 79,3 % en 2020, et 81,3 % en 2019. 78,4 % des CE1 savent, en mathématiques, « lire des nombres entiers » en 2021 cette année, contre 74,7 % juste après le confinement et 75,6 % en 2019. En sixième, le niveau des élèves augmente très légèrement, mais reste faible en lecture, seulement la moitié des élèves ayant le niveau attendu. Dans les zones d’éducation prioritaire renforcée, ce taux n’est plus que de 33 %. Selon l’enquête du ministère, en sixième, en lecture, un collégien sur trois n’a pas le niveau requis en CE1. La lecture est en voie de marginalisation au sein des jeunes Français. Le Ministère de l’Éducation nationale reconnaît que ce problème est un « enjeu fort ». Il a décrété la lecture grande cause nationale de 2021.
Une baisse du niveau inquiétante
Cette enquête post-covid s’inscrit dans le prolongement de celles menées au niveau international par différents organismes dont l’OCDE qui depuis des années indiquent la faiblesse du niveau des élèves français et surtout la baisse de ce dernier. En CM1, les Français se classent à l’avant-dernier rang pour les résultats en mathématiques au sein de l’Union européenne (la Roumanie étant la dernière), selon Timms (étude internationale publiée l’International Association for the Evaluation of Educational Achievement). Les élèves français affichent un score de 485 points, quand la moyenne internationale est à 527 et celle des pays de l’OCDE de 529.
La France se caractérise également par la surreprésentation des élèves ayant un faible niveau en mathématique ; 15 % des élèves sont dans ce cas contre 6 % des élèves au niveau européen. Si par le passé, la France était une terre d’excellence en mathématiques, ce n’est plus le cas. Seulement 3 % des élèves atteignent le niveau avancé en maths, contre 9 % des élèves en Europe. Pour les élèves de 4e, le recul est très important. Ils affichent un résultat de 483 points en mathématiques, contre 530 en 1995. Cette baisse de niveau correspond à l’équivalent d’une année de scolarité perdue en vingt-cinq ans. Le nivellement par le bas est très important. La France compte de moins en moins de bons élèves. En 1995, 11 % des élèves en 4e pouvaient être ainsi classés au vu de leurs résultats en mathématiques. Ils ne sont plus que 2 % en 2019. Selon l’enquête PISA de l’OCDE, le score de la France est passé de 507 à 494 de 2000 à 2018. Notre pays se place au dernier rang des grands pays loin derrière le Japon, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Corée du Sud ou les États d’Europe du Nord.
Sans diplôme, l’ascenseur reste bloqué
Le faible niveau de la formation initiale se reflète sur celui des compétences des actifs. Selon l’enquête PIAAC de l’OCDE, la France se classe 21e. Le faible niveau des jeunes et des adultes en compétences scientifiques constitue un réel handicap pour la réindustrialisation et la numérisation de l’économie. Compte tenu du rôle du diplôme en France et des difficultés chroniques rencontrées par la formation continue, il est difficile de remédier au cours de la vie professionnelle au déficit de compétences à l’entrée. Sans diplôme, il est impossible ou presque d’accéder à certains emplois et de bénéficier de promotion. Les jeunes sans formation initiale sont cantonnés à des emplois précaires peu valorisants.
La désindustrialisation n’est pas que la conséquence de coûts supposés élevés, les salaires allemands dans ce secteur étant proches de ceux de la France. Les entreprises industrielles sont à la peine pour trouver des ingénieurs et des techniciens. Les jeunes actifs diplômés sont de plus en plus réticents à s’installer dans des villes industrielles, villes qui se trouvent fréquemment aux marges des grandes agglomérations. Ils préfèrent occuper des emplois de services au cœur des grandes villes. Les politiques économiques mises en œuvre depuis trois décennies n’ont pas incité à la montée en gamme de l’industrie française. Les allègements sociaux sur les bas salaires ont permis des allègements de coûts, mais ont dissuadé les entreprises à améliorer le niveau des compétences et à investir. La sous-capitalisation des entreprises a également pesé sur leur modernisation. Ces différents facteurs ont freiné leur montée en gamme. Un des symboles du retard de l’industrie française est la faiblesse du stock de robots. Il est deux fois moins important que celui de l’Allemagne (1,5 robot pour 100 emplois industriels en France contre 3 en Allemagne). Les entreprises françaises étant concurrencées par celles des pays émergents et à défaut de trouver des salariés qualifiés, elles ont opté pour les délocalisations.
Une bataille qui conditionne l’évolution notre économie
Les États qui ont conservé un secteur industriel puissant se caractérisent par un niveau de formation élevé. C’est le cas du Japon, de la Corée du Sud, de l’Allemagne ou des pays d’Europe du Nord. Des compétences élevées de la population active sont également associées à un taux d’emploi élevé, à une modernisation forte des entreprises et à des salaires en croissance.
Un niveau élevé de compétences accroît l’employabilité de la population active et facilite la montée en gamme. Compte tenu de ces données, une action en faveur de la formation des jeunes et des adultes apparaît nécessaire en France, avec notamment une revalorisation des filières scientifiques. En 2019, la France compte deux fois moins d’élèves suivant des études scientifiques que l’Allemagne. Il convient de souligner que l’apprentissage connaît, ces dernières années, une croissance non négligeable, le nombre d’apprentis étant passé de 400 000 à 600 000 de 2016 à 2020. Il reste néanmoins très en deçà de celui de l’Allemagne (1 400 000).
Ce processus conduit à une spécialisation sur des activités de services domestiques en lien avec le tourisme. Ce choix ou plutôt ce non-choix est générateur d’une faible croissance avec, à la clef, une progression du déficit extérieur qui pose d’ores et déjà un véritable problème.