Une enquête récente montrait que 34 % des salariés aux États-Unis étaient motivés par leur travail. Ce chiffre tombe à 11 % en Europe et 7 % en France. Au-delà de la disparité observée, le pourcentage de personnes motivées est faible dans tous les cas. Est-ce donc une fatalité de tirer des équipes sans envie ?
Difficile de tirer des conclusions, par exemple que les Américains seraient plus motivés que les Français. Plus difficile encore, certes, de dire l’inverse ! Mais nous ne savons pas de quoi ces sondages parlent vraiment : de la motivation des personnes ou de ce qu’ils disent de leur motivation ? Peut-être n’est-ce que l’expression du vieux poncif que les Français sont des râleurs !
Quoi qu’il en soit, les chiffres sont faibles. Même une personne motivée sur trois, c’est faible. Mais une autre réalité se cache derrière cette statistique : le fait que personne n’est motivé trois cent soixante-cinq jours par an. Reconnaissez que, pour vous également, se lever le matin n’est pas tous les jours facile. Ce sondage pourrait tout simplement dire que les salariés aux États-Unis sont motivés le tiers du temps.
Un malentendu
Tandis que je méditais sur ces chiffres, un commentaire sur l’un de mes précédents articles suggéra le fait que, pour rejoindre une entreprise [après le confinement], il fallait en avoir envie. Ce serait comme demander à un enfant s’il a envie de retourner à l’école après les vacances : parfois oui, pour retrouver les amis et parfois non. Et pas uniquement parce que les professeurs ne sont pas à la hauteur, mais aussi parce que les vacances, c’est mieux que l’école !
Vous pouvez raisonnablement exiger qu’ils effectuent leur travail, bien entendu, mais ne comptez pas chaque jour sur le surplus d’efficacité qu’apporte souvent une belle motivation. Et, surtout, n’imaginez pas que vous pouvez, seul, motiver vos collaborateurs en permanence : ce serait vous mettre vous-même une grande pression inutilement.
Qui plus est, je pense que la motivation collective des membres d’une équipe est une sorte de malentendu. Certes, ça arrive, mais gagez qu’elle trouve sa source de façon différente pour chacun d’entre eux. Non seulement les motivations du dirigeant ne peuvent pas être les mêmes que celles des employés — ils n’ont tout simplement pas les mêmes enjeux —, mais, d’une personne à une autre, chacun voit midi à sa porte, en fonction de sa propre situation.
Selon les situations…
Dans une histoire de Nasr Eddin (ici sur YouTube), ce dernier attend de savoir, avant de tancer l’importun qui lui marche sur le pied, s’il est le fils du vizir ou un simple manant. On pourra l’accuser de lâcheté, puisque, manifestement, son comportement est à géométrie variable selon qu’il est face à un puissant ou non. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel, car l’important est que nous fonctionnons tous de cette façon : nous révisons notre comportement (morigéner le rustre ou se taire), nos priorités (ma dignité et mes orteils ou ma sécurité), en fonction des situations que nous rencontrons, confirmant à nouveau la vieille parole chinoise : « Selon la situation, les braves deviennent lâches et les lâches deviennent braves. »
Ainsi des personnes dans les entreprises — et de nous-mêmes ! — la motivation n’est que le produit d’intérêts parallèles, qui ne sont pas identiques, mais vont dans la même direction pour un temps. Plutôt que de vouloir à toute force une grande motivation, sachons vouloir qu’ils soient suffisamment motivés.