Pour David Sussmann, dirigeant à Marseille de l’entreprise d’import/export en produits de la mer Seafoodia, l’approche écoresponsable n’est pas une option, mais la condition sine qua non pour assurer la pérennité de son activité tout en préservant la planète. Une démarche qui s’inscrit non seulement au quotidien dans son entreprise, mais aussi au cœur de sa fondation, Pure Ocean.
« Nourrir les hommes et les animaux avec des produits de qualité tout en préservant la planète »
Son entreprise œuvre autour de la distribution et la commercialisation des « merveilles des océans », comme il aime les nommer. Présente dans pas moins de 80 pays, la Marseillaise Seafoodia cible les grands distributeurs et se charge non seulement de l’acheminement, mais aussi de la transformation (un tiers de ses produits est surgelé, un tiers liquide avec les huiles de poisson et un tiers sec et séché), du conditionnement et du marketing, ces produits de la mer étant ensuite subdivisés en une vingtaine de marques. Cette activité, florissante s’il en est, représente à l’année quelque 70 000 tonnes de marchandises et plus de 4000 containers. Ainsi qu’une croissance à deux chiffres forte et régulière depuis 2009 (à l’exception de 2020, dont la croissance a tout de même été positive). Toutefois, à l’heure où réchauffement de la planète, pollutions maritimes et autres pêches illégales changent considérablement la donne sur les populations des mers, David Sussmann, le dirigeant, privilégie quant à lui une démarche respectueuse, non seulement de cette biodiversité, mais aussi de toutes les parties prenantes gravitant autour de son activité. « Notre mission, décrit-il, c’est nourrir les hommes et les animaux avec des produits de qualité tout en préservant la planète. »
Ce n’est pas un simple mot pour le self-made-man, touché par le virus de l’entrepreneuriat depuis sa prime jeunesse. Tout simplement parce que du fait de son cœur de métier, les mutations climatiques, et bien… il les touche du doigt. « Je l’ai vécu dès 2010 : des Inuits avec lesquels je travaille au Canada m’ont dit cette année-là que pour la première fois, ils avaient vu de l’herbe sur une partie de leur territoire. Ils constataient également les changements de quotas et vivaient vraiment ce mouvement des bancs de poissons, qui ne sont plus au même endroit du fait du réchauffement. Il faut savoir que dans l’Atlantique Nord au large de la Bretagne, les espèces, depuis un certain nombre d’années, évoluent vers le Nord de 35 km par an. De nouveaux bancs se créent donc sur des zones que l’on n’avait pas ciblées et paradoxalement, il y a des endroits visés à la base où le dépeuplement fait son œuvre. »
Approche vertueuse
Mais dès les prémices, le dirigeant de Seafoodia a souhaité se positionner sur une approche vertueuse. « Nous sommes à la recherche de solutions de durabilité depuis 25 ans. Ainsi l’origine de nos produits, au départ, c’était le Canada. Car là-bas, les pêches sont responsables. A partir de là, je suis resté sur l’Amérique du Nord, j’ai dérivé vers le Groenland, la Norvège, la Russie, je suis redescendu vers l’Irlande, l’Ecosse, tout en demeurant sur l’Atlantique Nord, sur des zones que l’on pouvait connaître. » Il s’inscrit également dans une logique de commerce équitable en faisant travailler des petits producteurs, des entreprises familiales. Mais aussi des pêcheries innovantes, comme celle conceptrice d’un casier pour homards biodégradable. « Il faut que ces pêcheries continuent à exister, en pratiquant une pêche durable et responsable en matière de quotas. C’est-à-dire, là où il y a 100 homards aujourd’hui, on assure que l’espèce se renouvelle pour qu’il y en ait toujours 100 les années suivantes. Enfin, il s’agit d’une pêche sélective : on vise les espèces non menacées, les poissons de la bonne taille, en laissant de côté les juvéniles. Et on n’impacte pas l’écosystème. Toutes les pêches qui peuvent racler le fond de l’eau, comme le chalut, devraient être 100 % proscrites. » Des mots qui ont du sens, alors que l’on parle encore, à l’échelle mondiale, de 25 % de pêche illégale. Et pour l’heure, 15 % sont durables et responsables, représentées par les labels les plus réputés. « Ainsi, nous nous limitons à ces 15 % », dont le produit fini est acheminé via bateaux bas carbone.
S’engager ou disparaître
Un discours vérifiable, puisque Seafoodia travaille avec ses partenaires sur la traçabilité de ses produits. Pour David Sussmann, c’est ni plus ni moins que l’avenir. « A horizon 10 ans, on ira de plus en plus vers des capteurs qui donneront non seulement l’impact nutritionnel du produit, mais aussi sa traçabilité. Le monde d’hier qui permettait de dire que l’on a des pommes de Pologne alors qu’elles viennent de Russie, c’est fini. Cela va dans le sens de l’attente du consommateur ! Ce sera la réalité et ceux qui ne le feront pas n’auront d’autre choix que d’arrêter leur activité. Plus largement, je pense que l’entreprise qui ne s’engage pas en RSE va disparaître. Yuka note les produits, un jour on notera les boîtes. Ainsi pour les gens responsables, cela représente des fantastiques opportunités de business. » Mais aussi, la possibilité d’attirer les talents, puisque les jeunes sont de plus en plus sensibles à ces thématiques « et ne se positionneront pas sur les structures qui ne mettent pas en avant une stratégie RSE », martèle David Sussmann. Lequel se définit par ailleurs comme un manager coach, embarquant ses 80 salariés ou « Seafood lovers » dans la co-construction du développement de Seafoodia, et par là-même, dans une véritable quête du sens.
« Il faut tous s’engager »
Outre la mise en œuvre de sa démarche RSE, le dirigeant a toutefois décidé d’aller plus loin, avec sa fondation Pure Ocean. « J’ai d’abord soutenu des ONG, j’ai fait des chèques, puis je suis allé les rencontrer, et je me suis dit finalement, il n’y en a pas assez. Il faut tous s’engager, il y a énormément d’actions à mener, car il y a une vraie urgence. » David Sussmann alloue ainsi 10 % du résultat de Seafoodia à des actions de philanthropie et a déjà entraîné dans son sillage quelque 150 mécènes. Ensemble, ils ont réuni cette année un budget de 800 K€, enveloppe utile à la mise en œuvre de la stratégie de Pure Ocean, déclinée en trois axes. Elle finance tout d’abord des programmes de recherche œuvrant à trouver des solutions préservant l’océan et sa biodiversité.
Cela fait donc 10 soutenus en cumulé dans le monde, avec l’appel à candidatures précédent, financés à hauteur de 5 à 90 000 euros, en fonction du programme. Parmi eux par exemple, MicroPow, qui détermine l’impact de l’ingestion de microplastiques sur les organes, les tissus, et les cellules d’oiseaux marins en Australie, ou encore Floating Reefs qui entend concevoir une bouée d’amarrage de subsurface inspirée d’éponges de mer pour préserver les herbiers de posidonie et favoriser la biodiversité locale…
Faire sa part
Deuxième axe, Pure Ocean organise des « talks » pour faire comprendre ce qu’est l’océan. « Beaucoup en ont peur. Or, il faut le faire aimer, car bien souvent, on protège ce qu’on aime ! Il faut savoir que la planète c’est 70 % d’océan. 93 % de la biodiversité s’y trouve ! Mais ce qui est fabuleux, c’est que 90 % des espèces sont encore à découvrir. On est en présence d’une incroyable bibliothèque où neuf livres sur dix ne sont pas encore ouverts. Il faut donc étudier le plus vite possible les océans avant que ce ne soit trop tard. Peut-être que les solutions pour l’humanité de demain s’y trouvent. »
Enfin dernier axe, Pure Ocean organise des « races » pour toucher le plus grand public et convier en mer de possibles nouveaux mécènes et des grands noms du monde sportif. « Quand on va voir une entreprise et qu’on lui parle de science, ça ne la touchera pas forcément. On ne peut pas leur parler que de drames, alors on les embarque dans une aventure positive pour une cause, on crée du rêve. »
Outre ces trois axes, Pure Ocean a également lancé au mois de juin dernier le mouvement citoyen La Goutte Bleue. Soit un sac bleu recyclable dont l’achat finance lui aussi la recherche, permettant de ramasser les déchets sauvages autour de soi, avant qu’ils ne finissent dans l’océan. La planète le vaut bien. Et David Sussmann entend rester optimiste. « Je suis convaincu que l’on va régler ces problèmes environnementaux dans 20 ans. On a abîmé le jardin, mais qui sait si l’on n’inventera pas la machine à manger le CO2 ? J’ai envie d’y croire. Mais à court terme, je suis très inquiet et j’invite tout le monde à faire sa part. »