La rentrée qui se profile va être étrange à bien des égards. Etrange comme l’est d’ailleurs cette veille de vacances. Cette rentrée ne sera pas tout à fait inédite, puisque nous avons vécu la même chose l’année passée. Une sortie de confinement et une reprise soutenue de l’activité dans certains secteurs. Qu’est-ce que ces moments que nous vivons ou allons vivre prochainement peuvent nous apprendre sur l’économie d’après ?
Depuis plusieurs mois, nous assistons à des pénuries sur le marché des semi-conducteurs. Certains industriels éprouvent des difficultés à se fournir. L’Usine Renault de Sandouville a fermé pour cette raison. Le directeur industriel d’un grand groupe industriel français me confiait récemment rechercher désespérément ce type de produit. Le stock sur lequel il avait mis la main se vendait 40 fois plus cher qu’avant crise. La question qui se posait pour lui était donc la suivante : à quoi bon produire et alimenter le marché de produits dont on sait pertinemment qu’ils ne permettront pas de dégager de marge ? Pas question d’augmenter les prix pour le moment compte tenu de la concurrence européenne et asiatique. On parle même de pénurie de carte bancaire en 2022 !
Dans d’autres secteurs comme le BTP, c’est souvent la même chose. Dans le BTP, certains produits de construction comme le bois sont devenus introuvables. Pour être livrés, les délais s’allongent. Les entrepôts sont vides ou pas loin de l’être. Les fournisseurs ne promettent plus rien tant l’incertitude est de mise. C’est d’autant plus frustrant que de nombreux Français veulent réaliser des travaux chez eux en cette période qui a montré qu’investir dans plus de confort ou de commodités dans son domicile n’était pas complètement stupide quand on peut y être bloqué des semaines durant.
Dans l’hôtellerie restauration, c’est la pénurie de main-d’œuvre qui préoccupe. Les Français veulent de nouveau investir les terrasses des restaurants, voyager, se changer un peu les idées. On ne saurait les blâmer. Mais certains restaurateurs renoncent à installer des mètres carrés supplémentaires de terrasse par manque de personnel. Les serveurs qui officiaient dans le monde d’avant ont profité du confinement pour réorienter leur carrière et aller vers d’autres métiers, moins exigeants en termes d’horaires de travail. Les gens ne veulent plus bosser tard le soir, les week-ends, vacances et jours fériés. Les hôtels de luxe, a priori plus attractifs, ne trouvent pas le personnel pour assurer l’exploitation au quotidien et le retour de la clientèle étrangère. On cherche désespérément à recruter.
Face à une demande soutenue, l’offre ne suit pas. Les approvisionnements comme la main d’œuvre ne suivent pas le rythme de la reprise. Assistera-t-on à une hausse importante des salaires dans certains secteurs ? Verrons-nous repartir l’inflation significativement à la hausse ? Les prémisses d’une crise économique à venir ?
Quoi qu’il en soit le scénario d’une pénurie de compétences et de matériau pourrait être durable à l’avenir. Il y a plus d’un an, nous dénoncions avec colère de manque de masques et de gel hydroalcoolique. La France avait alors développé une forme d’économie de guerre avec une mobilisation de ce qui reste de l’appareil productif pour produire urgemment ce dont nous avions besoin, souvent en mobilisant le système D. Il y a eu également la question des vaccins qui n’a pas forcément mis en valeur l’outil de production français dans un secteur dans lequel jadis pourtant la France brillait. Aujourd’hui, les esprits se sont calmés, mais le problème subsiste dans d’autres pans de l’économie.
Le paradigme de la pénurie
Avec ce satané virus, notre économie vit au rythme du stop-and-go. Des périodes de ralentissement suivies d’autres très dynamiques. L’organisation économique se trouve profondément déstabilisée par ces à-coups. Nous mesurons chaque jour davantage les conséquences de décennies de désindustrialisation. Plus que jamais, la question des approvisionnements que le Lab Pareto s’avère décisive.
A l’heure où le président Macron vante la France aux investisseurs étrangers, la question d’une souveraineté et d’un patriotisme économiques se pose toujours et encore. Un vieux serpent de mer que les politiques et les médias agitent périodiquement et dont on aimerait des aboutissements un peu plus concrets. Une chose est sûre dans cet océan d’incertitude : la solution ne viendra pas du dehors, du bon vouloir de quelques multinationales étrangères, mais de notre capacité à (re)construire des écosystèmes résilients, capables d’amortir les chocs pour mieux rebondir.