Il y a de nombreuses leçons à tirer de la crise sanitaire qui frappe l’humanité depuis l’apparition du coronavirus en 2019. Et si certaines d’entre elles pouvaient également nous aider à lutter contre le réchauffement climatique ? Tel est le point de vue d’Alexander De Croo, Premier ministre belge.
Quelles leçons tirer de la crise sanitaire qui frappe l’humanité depuis l’apparition, en novembre 2019, à Wuhan en Chine, du coronavirus ? Les uns voient dans les mesures d’isolement prises par les Etats, la fin de la mondialisation. Les partisans de la décroissance, le début d’un retournement de tendance, l’ouverture d’une période où l’on voyagera moins souvent et moins loin. Dans une tribune publiée sur le site Project Syndicate intitulée Comment la nature humaine peut lutter contre le changement climatique, Alexander De Croo, le Premier ministre belge, met pour sa part en parallèle la pandémie et le réchauffement climatique : dans les deux cas, c’est de la survie de notre humanité dont il est question.
Toute politique climatique qui limiterait notre besoin de déplacement est vouée à l’échec
Les Européens, rappelle-t-il, sont à la pointe de la lutte contre le changement climatique. En 2017, l’UE avait réduit ses émissions de près de 22 % par rapport à 1990, atteignant son objectif de réduction des émissions pour 2020 avec trois ans d’avance sur le calendrier prévu. En décembre 2020, suite à l’engagement de relever son ambition en matière de climat, ses dirigeants ont approuvé un objectif contraignant de réduction nette des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990.
Notre première réaction face à ces objectifs ambitieux, c’est que nous devrions manger moins de viande, prendre l’avion moins souvent, recycler nos consommations, et mettre en question l’idée que le PIB devrait augmenter constamment. Si l’on adopte ce point de vue, alors nous devrions tous réduire notre train de vie de manière drastique.
Alexander De Croo, Premier ministre belge
C’est ce que nous avons fait, d’une certaine manière, face à la pandémie. Nous avons fermé nos bars et nos restaurants, limité nos déplacements, nos gouvernements ont instauré des limites très strictes aux libertés fondamentales, en particulier de mouvement et de rassemblement. Mais nous sommes en train de réaliser que, dans nos sociétés occidentales, il est inenvisageable de réduire durablement ces libertés fondamentales. C’est très mal supporté et cela ne peut être toléré que manière provisoire. On ne peut pas enfermer longtemps les gens chez eux… D’ailleurs, l’apparition de la deuxième vague a démontré que les stratégies de confinement n’étaient pas tellement efficaces. C’est ainsi, poursuit, Alexander De Croo, l’humain n’est pas construit sur du moins. Et il a un besoin vital de contacts sociaux et de déplacements. C’est pourquoi toute politique climatique qui ignore ces caractéristiques fondamentales de notre psychologie collective est destinée à échouer. D’ailleurs, là encore, l’expérience de la pandémie devrait nous guider : ce qui a fonctionné, ce sont les efforts individuels accomplis pour conserver les distances, afin de protéger les autres, d’une part, et d’autre part, le fantastique effort accompli par les laboratoires pour créer, développer et produire des vaccins d’un nouveau type, en un temps record.
Pour le climat : en faire moins, ou plus ?
Si l’espérance de vie des populations européennes a doublé en deux siècles, passant de 40 ans en 1800 à 80 ans, aujourd’hui, c’est très largement aux vaccins que nous le devons. Ils nous ont permis de nous libérer de ces fléaux : depuis la variole et le tétanos jusqu’à la diphtérie, la polio, la typhoïde, la tuberculose et l’hépatite. La technologie de l’ARN-messager, développée à l’occasion de la lutte contre l’épidémie actuelle, ouvre des perspectives incroyables pour lutter contre d’autres maladies. Hé bien poursuit le Premier ministre belge, nous devrions nous attaquer à la crise climatique de la même façon. Car la stratégie qui est requise, ce n’est certainement pas d’« en faire moins », mais en faire davantage et différemment. Et cela signifie réorganiser notre économie en investissant massivement dans les nouvelles technologies. Comme dans le cas du vaccin, conjuguer la recherche scientifique et l’esprit d’entreprise. Mais il n’y a pas de solution miracle. Il faut accepter l’idée qu’on fait fréquemment deux pas en avant et un pas en arrière. Et que c’est le pas de côté qui nous dirige vers la solution à un problème.
Plaidoyer en faveur des nouvelles technologies et de l’innovation
L’innovation et la concurrence sont la source de toutes les grandes avancées bénéfiques. Ainsi, les véhicules électriques produisent aujourd’hui de manière indirecte un niveau significatif de dioxyde carbone. Dans une ou deux décennies, nous aurons trouvé les moyens techniques de réduire très fortement ces émissions. Les éoliennes construites il y a vingt ans étaient équipées de pales d’acier d’un diamètre de 17 mètres. Elles produisaient très peu d’électricité. Les turbines actuelles sont en matériaux composites et peuvent atteindre le diamètre d’un Airbus : 126 mètres. Et ces éoliennes géantes peuvent produire cent fois plus d’électricité que leurs devancières d’il y a vingt ans. Les batteries pour stocker l’énergie électrique dont nous disposions dans les années 1970 utilisaient une technologie qui n’était pas réellement différente de celle qui utilisée par Ford pour ses voitures des années 1920 : nickel-hydrure métallique. Celles qu’on développe aujourd’hui, les accumulateurs lithium-ion possèdent une très haute densité d’énergie et une très faible auto-décharge (de l’ordre de 10 % par an). « Nous allons vaincre le virus en nous concentrant sur un but commun, en coopérant et en reconnaissant aux innovateurs le droit d’inventer », écrit le premier ministre belge. Les plans nationaux de relance post-pandémie doivent encourager la recherche et les investissements à risque.
Crédits : France Culture