Les pays d’Afrique subsaharienne sont parmi ceux qui ont le plus à craindre du réchauffement climatique. On pourrait donc imaginer qu’ils seraient en pointe pour la production d’énergie solaire. Il n’en est rien : le continent tarde à s’engager sur la voie des énergies renouvelables. Pourquoi ?
L’Afrique subsaharienne est de loin le continent qui a le plus à craindre du réchauffement climatique. Depuis longtemps, la sécheresse est redoutée de ses agriculteurs. Et les côtes du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo subissent une érosion provoquée par la montée de l’océan atlantique. Les pays africains sont de ce fait extrêmement désireux de prendre leur part des mesures susceptibles de maintenir les températures de l’avenir à un niveau permettant à leurs populations de survivre. On pourrait donc imaginer qu’ils seraient en pointe pour la production d’énergie solaire. Il n’en est rien : le solaire ne représente que 2 % du mix électrique africain. Non seulement la production d’électricité, en Afrique, est fortement carbonée, mais la tendance ne montre pas de signes sérieux d’inversion en faveur des sources d’énergie non fossiles. Une étude récemment publiée par Galina Alova-Beitner dans la revue Nature Energy montre que la part des énergies non fossiles progresse à peine plus vite sur le continent que celle des énergies fossiles. Pourquoi ?
Une situation qui s’explique d’abord, le grand retard pris par la plupart des pays africains dans le développement de leurs réseaux électriques. Pas loin de la moitié des Africains n’ont pas accès à l’électricité et que plus de la moitié de ceux qui en disposent subissent des coupures de courant fréquentes. Comme le résumait récemment Hugo Le Picard de l’IFRI dans Le Point : « La mauvaise santé financière des compagnies d’électricité fait baisser les investissements de maintenance. La qualité des services se détériore et la fréquence et la durée des coupures de courant augmentent. De plus en plus d’usagers refusent de payer un service devenu médiocre, ce qui diminue davantage les revenus des compagnies électriques. » Un cercle vicieux.
Des besoins énergétiques croissants
Ensuite, l’Afrique subsaharienne connaît une croissance démographique spectaculaire, avec un doublement de sa population en une génération. D’où des besoins énergétiques qui progressent très rapidement. Certes, il existe quelques initiatives spectaculaires susceptibles de diversifier les sources d’approvisionnement, comme le très grand barrage construit à Hedasi, sur le Nil, par l’Éthiopie. Ou le complexe solaire thermodynamique Noor, installé à Ouarzazate, au Maroc. Mais l’Afrique n’est nullement engagée sur la voie des énergies renouvelables. Et les subventions chinoises au continent africain sont destinées pour les 2/3 à la création de centrales à carburants fossiles.
C’est pourquoi des responsables politiques, comme Sharon Ikeazor, le ministre nigérian de l’Environnement lancent un appel aux pays riches du Nord afin qu’ils soutiennent financièrement la transition énergétique en Afrique, comme ils s’y sont engagés dans le cadre de l’Accord de Paris. Son pays, rappelle-t-il, pourtant l’un des principaux producteurs mondiaux de pétrole, a décidé de mettre fin aux subventions aux combustibles fossiles. Mais « notre plan reste sous-financé », écrit-il. « Si cela ne change pas, les énergies propres ne représenteront que 10 % de la nouvelle énergie produite en Afrique en 2030 », prévient-il.
Plaidoyer pour la transition énergétique des pays du Sud
De son côté, l’ancien ministre vénézuélien de la planification et actuel professeur à Harvard, Ricardo Hausmann, plaide pour une transition des pays du sud vers les énergies vertes : « Nous autres, pays pauvres, faisons d’importants efforts pour accélérer la modernisation de nos économies, afin de retenir des jeunes qui sont tentés d’immigrer au Nord. Et maintenant, on vient nous dire qu’à cause des émissions de dioxyde de carbone, engendrées par les pays anciennement industrialisés durant plus d’un siècle, nous devrions nous adapter et restreindre nos propres émissions, afin de sauvegarder le climat. Mais cela signifie renchérir considérablement le coût de production des énergies dont nous avons besoin. Pouvons-nous réellement nous le permettre ? »
Oui, dans la mesure où ces sources d’énergie, celle d’origine solaire, en particulier, ont vu une baisse sensible de leurs coûts de production. Mais il reste le problème posé par l’intermittence du solaire, comme de l’éolien. Pour s’adapter aux fluctuations de la demande, on a donc pris l’habitude de doubler ces installations par des centrales au gaz. Mais de nouvelles batteries permettent de stocker l’électricité, afin de faire face à ce problème. Et un nouvel espoir de produire de l’énergie décarbonée va s’ouvrir avec l’hydrogène qui brûle sans émettre autre chose que de la vapeur. Mais le rendre économiquement viable va nécessiter des innovations. Et Ricardo Hausmann de faire référence à la Loi de Wright : les coûts baissent à mesure que la production augmente. Lorsqu’on double son expérience industrielle, on arrive à réduire ses coûts de 30 %.
En outre, de nombreux pays du Sud possèdent des avantages naturels tels que les technologies déjà existantes sont déjà compétitives, face aux énergies tirées du charbon, du pétrole et du gaz. Les radiations solaires dans les déserts australiens, chiliens ou namibiens ont incité ces trois pays à se lancer dans des stratégies d’hydrogène vert. « La décarbonisation n’est pas seulement une source de contraintes et de taxation sur les opportunités économiques, c’est aussi un changement qui va crée de nouvelles industries, des marchés et des sources nouvelles de croissance » conclut Ricardo Hausmann.