Les réunions en visio ont changé notre vie. Mais vigilance pour ne pas tomber dans les travers induits par ces technologies.
Bon, avant de débiner le phénomène, il faut bien admettre que les réunions en visio sont bien utiles et nous ont été sacrément utiles depuis plus d’un an. Lors du premier confinement, brutal, strict et long, les réunions en visio ont été notre radeau. On se souvient de l’effervescence autour des « apéros zoom » qui introduisait quelques fantaisies dans nos mornes quotidiens. La visio nous a permis de nous retrouver et d’échanger malgré tout, d’accomplir ce qui devait l’être dans le cours de nos obligations professionnelles.
Cette technologie a permis aux indépendants, en particulier aux professionnels de la formation, de garder la tête hors de l’eau. Péniblement parfois, car l’exercice d’une journée d’animation devant une webcam est éprouvant, mais avec succès le plus souvent. Les prestations ont été réalisées et facturées.
Elle a également permis de s’interroger sur la pertinence des déplacements que nous effectuions dans le Monde d’Avant. Un ami, patron d’une grosse entreprise industrielle présente sur de nombreux sites en Europe et aux États-Unis, me confiait avoir pris conscience à l’occasion des confinements successifs de la futilité de beaucoup de ses voyages d’affaires. Plutôt que de passer son temps dans les avions et les chambres d’hôtel, il était bien plus frais et dispo devant son ordinateur à enchaîner les réunions. Plus de confort personnel, plus de présence en famille, moins de CO2 dans l’atmosphère… Que des avantages !
Merci à toutes les plateformes de visioconférence. Vous avez amplement mérité les profits juteux et les valorisations considérables que vous avez réalisés pendant cette crise.
Oui, mais…
Ce nouveau mode relationnel aura profondément modifié nos habitudes. Et pas toujours pour le meilleur.
Il y a à peine plus d’un an, quand vous aviez un point à régler professionnellement avec une personne, vous preniez votre téléphone et composiez son numéro. Maintenant, dans de trop nombreux cas, un entretien à deux doit être planifié et réalisé via une plateforme de visioconférence. L’image s’est imposée, même quand elle n’apparaît pas essentielle. La vidéo vient compléter l’audio sans véritablement l’enrichir.
Et puis il y a maintenant cette facilité à organiser des réunions. Quand on s’affranchit des limites spatiales, il n’y a plus de limites. Nous assistons alors à une épidémie de réunionite. Tout est prétexte pour organiser une réunion ; pour planifier et d’inviter, trois clics et c’est dans la poche. Mercredi 9 juin par exemple, j’ai le choix de me balader toute la journée entre différentes réunions, sur zoom ou teams, pour différents clients ou partenaires. Je pourrais pousser le vice en me connectant avec deux ordinateurs pour assister à deux réunions concomitantes. Les horaires de ces réunions m’ont été imposés ; en aucun cas je n’ai pu choisir le jour ou l’heure. Comme dans certains matchs de foot amateur, l’organisateur de la réunion est semblable à ce défenseur qui, acculé, tape de toutes ses forces dans le ballon en direction à l’avant : ça débarrasse et advienne que pourra. Aux attaquants de se débrouiller avec ça.
Il est fort probable que dans quelques semaines, des journalistes relateront des cas de troubles psychosociaux provoqués par cette visiocratie. Affaire à suivre !