A Dardilly, près de Lyon, Jean-Charles Potelle, dirigeant de Boldoduc, se qualifie « d’apporteur de solutions concrètes et innovantes davantage que textilien ». Alors quand le défi des masques a pointé le bout du nez en mars 2020, les équipes de développement de l’entreprise ont pris la question à bras le corps. L’agilité qui régit l’entreprise pour ses autres marchés lui a permis de trouver les solutions adaptées à une situation de crise.
La marque de fabrique de Boldoduc ? « Répondre à une vraie attente et non pas à un marché supposé. Etre agile et réactif. Nos équipes de développement passent leur temps à apporter des solutions. Je ne suis pas chef d’entreprise, je suis poil à gratter… » Jean-Charles Potelle a repris Boldoduc en 1991. Cette entreprise textile moribonde installée à Lyon comptait six salariés. Ils sont 70 en France fin 2020, dont 30 embauches depuis juin, et 300 sur le site Tunisien du groupe.
Et 2020 aura été une année plutôt faste pour l’entreprise de textile. « Nous avons connu un léger ralentissement au premier semestre car certains marchés se sont effondrés mais, rapidement, nous avons compensé avec de nouveaux positionnements. » Son chiffre d’affaires bondit de 40 % pour atteindre 35 M€ durant cette année si particulière de 2020.
Dès l’annonce de la crise sanitaire en février-mars 2020, Jean-Charles Potelle sent poindre un débouché pour ses textiles techniques. « Nous avons mis au point un premier masque lavable en seulement 15 jours alors que la demande initiale, notamment de la part des autorités, était plutôt floue. On bâtit un cahier des charges avec l’IFTH – Institut français du textile-habillement, basé à Ecully près de Lyon, pour rapidement passer aux prototypes et une version 1 testée et approuvée par la DGA », détaille Jean-Charles Potelle. L’entreprise communique rapidement sur sa capacité à produire et à livrer des masques. « Nous avions deux appels par minute. » Pour répondre à cette demande, l’entreprise s’insère dans le réseau « Couturières solidaires », sélectionne et retient 500 couturières sur les 2 000 qui se sont proposées. Près de 300 000 kits sont expédiés à ces couturières des quatre coins de France pour confectionner des masques. En parallèle, Boldoduc mobilise des « Confectionneurs solidaires ». Une cinquantaine d’entreprises répond à l’appel. « De mars à juin 2020, près de 3 000 personnes ont travaillé à la fabrication de 12 millions de masques », se félicite le dirigeant de l’entreprise lyonnaise. Des unités temporaires de fabrication sont implantées à Lyon dans une friche industrielle (les Usines Fagor, lieu d’exposition pour la Biennale d’art contemporain 2019) et dans un local mis à disposition par la municipalité de Tarare, une ville à 45 km de Lyon.
Près de 300 000 euros ont été investis par l’entreprise pour équiper ces ateliers de fabrication temporaires. Pour un marché qui n’est finalement pas si temporaire que cela. Le masque tend à devenir l’accessoire indispensable.
Un masque-tour de cou pour le ski
Alors pour continuer de surfer sur ce marché porteur, Boldoduc réactive ce qu’elle sait faire : trouver des produits nouveaux. Ce sera un masque-tour de cou pour le ski. « La Covid ne s’arrête pas. Autant imaginer de nouveaux produits et surtout de nouveaux process de fabrication pour gagner du temps au montage et à l’assemblage », se questionne à nouveau le chef d’entreprise. En innovation permanente, Boldoduc travaille sur une 4ème génération de masque, sans élastique, coupés et imprimés en automatique. Le temps de montage a été divisé par cinq tout en étant produisant des masques plus ergonomiques et plus confortables. Là encore, la DGA valide les caractéristiques techniques de ces nouveaux produits. « Le masque-tour de cou est testé en partenariat avec la Fédération française de ski et l’ESF (Ecole de ski français), en conditions réelles, sur un glacier », dit Jean-Charles Potelle. D’autres marchés intéressent le dirigeant : la moto, le running ou le trail. « Des marchés que nous connaissons bien. »
Les marchés du textile technique
La fabrication textile à façon, métier historique de Boldoduc, lui a permis de rebondir en temps de crise. En 1952, à sa création, cette entreprise fabrique du textile de type filet pour la protection et les emballages. L’innovation et la R&D impulsées par Jean-Charles Potelle lors de la reprise de l’entreprise caractérisent désormais son quotidien et lui ont permis d’adresser des marchés techniques et, surtout, d’acquérir des réflexes rapides pour imaginer des produits nouveaux.
Une première opération de croissance externe à la fin des années 90 le positionne sur le marché de la blanchisserie professionnelle avec la fourniture de sacs personnalisés pour le tri du linge. « Nous sommes devenus leader européen sur ce segment auprès des loueurs de linge », affirme Jean-Charles Potelle.
Dans le domaine du sport, Boldoduc fabrique des écrans de protection textile, posés derrières les cibles de tir à l’arc. L’entreprise a aussi développé une gamme de protection du bras et de la poitrine de l’archer avec des vêtements techniques personnalisés commercialisés directement auprès des clubs. « Nous savons répondre à une attente exprimée en termes de fonctionnalités. »
Facil’en Fil, une start’up créée en 2005 à Lyon, a intégré Boldoduc en 2010 pour bénéficier de son outil industriel. Ce jeune fabricant de vêtements techniques pour les seniors à mobilité réduite est passée de 200 000 euros de chiffre d’affaires en 2010 à 4 M€ en 2020. « Nous avons développé cette activité en commercialisant les produits directement dans les Ephad », explique Jean-Charles Potelle.
Les blanchisseries, les clubs de tir à l’arc, les Ephad, l’industriel imagine, conçoit, fabrique et commercialise des produits techniques répondant à un véritable besoin directement auprès de ses clients finaux. Une stratégie intégrée et privilégiant le circuit court : véritable atout en temps de crise.