Dis-moi quelles sont tes conditions de vie, je te dirai quelles sont tes chances de faire des études. C’est justement pour que cette question ne se pose plus, que François-Atif Benthanane ancien décrocheur scolaire, a créé en 2005 l’association Zup de Co. Son objectif, permettre aux enfants et adolescents quelle que soit leur origine sociale de réussir.
Les chiffres sont sans appel. Selon les données 2018 du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), ceux dont les parents appartiennent aux catégories socioprofessionnelles les moins favorisées sortent plus souvent du système éducatif sans diplôme. Parmi les élèves entrés en sixième en 2007, 19 % des enfants d’ouvriers non qualifiés n’ont pas obtenu de diplôme du secondaire dix ans plus tard, et c’est le cas de 38 % des enfants de parents sans emploi. A l’inverse, cette proportion n’est que de 4 % chez les enfants de cadres, professions libérales et chefs d’entreprise. Selon l’OCDE toujours, si les écarts se sont réduits depuis le milieu des années 90, les processus d’orientation restent très marqués par l’origine sociale des élèves. Ainsi, près de 30 % des enfants d’agriculteurs, d’ouvriers et d’employés de service ont obtenu un baccalauréat professionnel ; ils sont moins de 10 % chez les enfants de cadres et d’enseignants.
Si au niveau des résultats de cette évaluation des connaissances menée tous les trois ans dans les soixante-dix-neuf pays de l’OCDE auprès des élèves de 15 ans, la France se situe dans la moyenne ; en revanche son système d’enseignement est jugé inégalitaire. En 2018, selon le secrétaire général de l’OCDE José Angel Gurria, les élèves français de milieux sociaux économiques défavorisés étaient cinq fois plus nombreux que ceux des milieux favorisés à ne pas atteindre le niveau minimal de lecture. L’un des scores les plus élevés de l’OCDE. Or, si les compétences de base requises comme la lecture ou l’écriture ne sont pas maîtrisées, les élèves ne peuvent pas espérer intégrer des lycées généraux ni par conséquent postuler pour des études supérieures. Ainsi, lutter contre les inégalités dans l’éducation permet de rétablir l’égalité des chances et ainsi de réduire l’exclusion sociale.
Lutter contre les inégalités des chances
C’est au printemps 2005, quelques mois après la naissance de sa fille que François-Atif Benthanane, décide de créer ZupdeCo pour aider les collégiens défavorisés et en difficulté scolaire. « Issu moi-même d’un quartier populaire de Blois, pur produit de l’échec scolaire, j’ai découvert plus tard, sans bac en poche, le programme HEC Challenges + destiné aux entreprises innovantes. J’ai d’abord créé mon entreprise dans le domaine du data mining, puis au fil des expériences et circonstances de la vie, je me suis intéressé au monde social, sans juger, mais en constatant les faits. Pour schématiser, je dirai que lorsque l’on parle d’ascenseur social, certains partent du troisième ou quatrième étage et même s’ils n’arrivent pas forcément tout en haut, leur ascension est plus facile. L’association ZupdeCo a été créée pour proposer à des collégiens un soutien scolaire gratuit quand leurs parents n’ont ni les compétences ni les moyens financiers d’assurer le suivi des devoirs. »
En 2009, ZupdeCo obtenait l’agrément « action complémentaire de l’enseignement public » et en 2010, l’agrément « service civique ». Concrètement, des étudiants issus d’Universités ou de Grandes écoles accompagnent bénévolement sur la période scolaire un collégien ou un petit groupe de collégiens pour faire les devoirs du soir. « Tout se joue entre six et quinze ans, si cette tranche de vie est “ratée” la séquence 15-30 ans sera plus compliquée et la suivante le sera encore davantage faute de bagage solide et de réseau. Le collège dure quatre ans et notre objectif est double. Faire passer les décrocheurs d’une moyenne située entre 6 et 9 à plus de 13,et leur faire obtenir le brevet des collèges.
Sur ce dernier point, notre méthode a démontré son efficacité, puisque le taux de réussite chez les enfants en difficulté est passé de 65 % à 82 %. Depuis la création de l’association, plus de vingt-quatre mille six cents enfants en difficulté de la 6e à la 3e ont été accompagnés. »
Un partenariat public-privé pour aider les décrocheurs
Pour soutenir de plus en plus d’élèves en « perdition », ZupdeCo a lancé il y a quelques semaines deux nouvelles aides. La première est une offre de soutien scolaire 100 % digitale et gratuite s’adressant aux collégiens et lycéens. « Bien entendu, le distanciel ne se substituera jamais au présentiel, mais avec Homeclasse.org, les plus fragiles trouveront des cours en ligne, de l’aide aux devoirs, des révisions, des apprentissages en chansons, bientôt des quizz en maths et en français… un ensemble de services rendu possible par la contribution d’acteurs du privé. Maxicours, Studytracks, ProfExpress et Acadomia qui offrent, pendant les vacances, des stages d’une semaine en ligne, deux heures par jour. Plus de quatre cents enfants en ont déjà profité. A terme, je souhaiterais accompagner deux à trois cents enfants à chaque période de vacances. »
La seconde aide est la mise en place d’un accompagnement des collectivités territoriales pour déterminer avec elles, les associations susceptibles d’œuvrer en partenariat avec ZupdeCo. L’idée de François-Atif Benthanane est de dupliquer son concept de tutorat sur l’ensemble du pays en s’appuyant sur des partenaires connaissant bien les populations et les besoins de leurs territoires. Actuellement ZupdeCo accompagne avec un millier d’étudiants et une centaine de jeunes en service civique, quatre mille collégiens répartis en Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire et Ile-de-France.
Comprendre, coopérer, expérimenter afin que chaque jeune ait une solution. Car pour François-Atif Benthanane, il faut s’entraider pour que le monde à venir soit celui de la relation interpersonnelle, de la bienveillance et de la psychologie.