Depuis des mois, que l’on soit étudiant ou collégien de troisième, trouver un stage en entreprise ressemble à un parcours jonché d’obstacles. Du coup, pour les plus jeunes des entreprises start-ups ou non, et des associations proposent des alternatives pour découvrir le monde professionnel. Tour d’horizon de quelques initiatives.
Trouver un stage en entreprise d’une semaine ? C’est tellement compliqué que même le ministère de l’Education nationale les a déclarés cette année, facultatifs, mais tout de même conseillés. L’Onisep a d’ailleurs envoyé aux équipes enseignantes un dossier intitulé « Un stage pas comme les autres », proposant une sélection de ressources pédagogiques et de vidéos permettant de découvrir le monde de l’entreprise et d’avancer dans la construction d’un projet personnel d’orientation. Il est possible par exemple, de découvrir des métiers, visiter des entreprises, rencontrer des professionnels… en visio bien sûr. Pour les gourmands, citons ces collégiens de troisième de Maisons-Alfort qui ont effectué leur stage chez Ferrero, groupe agroalimentaire. Leur projet consistait à réfléchir à la raison d’être de l’entreprise, à son impact sur la société et l’environnement. Ils devaient également s’intéresser à son histoire, à son activité… pour les aider des rendez-vous, par écrans interposés, étaient fixés avec des responsables… Au final, ils devaient réaliser une courte vidéo pour diffuser les résultats de leurs découvertes sur les réseaux sociaux. Chez Dassault Systèmes, fabricant de logiciels pour l’industrie, les collégiens ont pu suivre des cycles de visioconférences sur des thématiques diverses : la fabrication des voitures électriques, les smartphones… en liaison avec les ingénieurs maison. Un stage virtuel certes, mais qui leur a appris par exemple, à concevoir une pièce en 3D et à aménager des espaces intérieurs. Ces découvertes pas comme les autres dans plus de trente secteurs d’activité comme l’Industrie, le bâtiment, le numérique, la logistique et les transports… ont permis à des milliers de jeunes de dialoguer en ligne avec des professionnels, visiter des entreprises, suivre des ateliers … participer à des jeux comme des quizz ou énigmes, réaliser des vidéos.
Des stages où les collégiens ont sans doute été moins passifs que lors de la classique semaine en entreprise. Actifs ils l’ont été à Angers, chez VidéoFlex.
Silence, on tourne
Benjamin Tardif est un passionné de vidéo, un entrepreneur et un homme à l’écoute. Créateur et dirigeant de VidéoFlex à Angers, il avait répondu à son neveu qui le sollicitait pour un stage à Noël dernier, que c’était impossible la situation sanitaire ne le permettant pas. Et puis, réflexion faite, il avait décidé que ce n’était pas normal de fermer ainsi la porte aux jeunes. «Je travaille dans les domaines du réseau, de la vidéo, du gaming, streaming… je forme en distanciel des entreprises à la réalisation de vidéos avec des smartphones et je ne peux pas proposer de stage de troisième ? Du coup, en concertation avec mon équipe, j’ai bâti un programme de trois jours respectant une progression pédagogique, une immersion en distanciel dans les domaines du tournage et montage vidéo. Une cinquantaine de collégiens se sont manifestés, trente-cinq finalement ont suivi l’aventure. » Pour souder le groupe, un questionnaire a été élaboré et un tour de webcams organisé, via l’application Zoom, et l’ensemble des liens nécessaires au chargement des logiciels ont été envoyés aux uns et aux autres avant le début du stage. Dès le premier jour, afin que l’immersion soit complète, un tournage du tournage était réalisé. « Nous les avons littéralement emmenés sur la production que nous devions réaliser pour la société J’aime mes dents. Ils ont suivi en silence, sur leur écran, l’intégralité de notre travail. Au retour dans l’entreprise, ils ont bien évidemment posé les questions qu’ils souhaitaient. L’après-midi a été en partie consacrée à des entretiens avec des professionnels de tous horizons. Il s’agissait d’une série de rencontres en ligne auxquelles je tenais particulièrement. Chacun, boulanger, enseignant-chercheur, ébéniste… venait parler de son métier et expliquer les doutes et interrogations qui l’habitaient quant à l’avenir, lorsqu’il était collégien de troisième. Tous ont ensuite appris des rudiments de montage et d’habillage avant d’assister à ceux des vidéos tournées le matin même. C’était un peu un truc de fous. Ils étaient en complète immersion avec l’ensemble des activités de l’entreprise. »
Voir, faire voir et réaliser
L’ambition de Benjamin Tardif ? Transmettre, faire apprendre et progresser. C’est autour de ces principes qu’il a bâti le programme de ces trois jours brique par brique. Les jeunes collégiens ont été invités à réaliser eux-mêmes, avec leur smartphone, un film sur leur lieu de vie qu’ils ont ensuite monté et transmis pour visionnage à Benjamin et son équipe. Ils ont également suivi un tournage avec un drone et même philosophé sur le sens de la vie avec un visiteur surprise de l’entreprise, rescapé de la Covid. Les jeunes filles qui représentaient 20% des stagiaires ont quant à elles discuté avec une Canadienne qui les a notamment alertées sur les difficultés de concilier parfois leur activité professionnelle et les mécanismes du cycle menstruel. «Le dernier jour, j’ai joué la transparence totale et montré à l’ensemble du groupe tous les éléments concernant la gestion de mon entreprise. Devis, factures, tableaux de bord, salaires… ils ont absolument tout vu et posé les questions qui les taraudaient. A l’issue de leur stage, j’ai offert à chacun une clé USB et un kit de 25 cartes dites, de l’abondance. Ce dernier m’avait été remis à l’issue d’un stage autour de la perception négative que nous avons trop souvent de l’argent. L’idée de suivre une telle formation avait germé lors d’une réunion de JD au cours de laquelle avait été évoqué notre rapport à l’argent, ce qu’il permet, les peurs qu’il peut engendrer… et sur chaque carte de ce kit figurent de la théorie autour d’un mot, d’une idée, et des suggestions pour les mettre en œuvre au quotidien. Chacun y trouvera peut-être matière à réflexion. »
Fin février, ce stage pas comme les autres, s’achevait sur un constat unanime : un enrichissement personnel et professionnel pour tous et des souvenirs à rembobiner.