Mardi 24 novembre 2020, l’allocution télévisée du président de la République a annoncé la réouverture, à compter du 28 novembre à 8 heures, de tous les commerces exceptés les bars, les cafés, les restaurants, les salles de sport, les salles de concert et quelques autres « punis », qui devront attendre le 20 janvier 2021 pour accueillir de nouveau du public. Ceci étant, à condition que le nombre de nouvelles contaminations se soit stabilisé en dessous de la barre des 5 000 nouveaux cas par jour. Les commerces autorisés à rouvrir à compter du 28 novembre doivent toutefois respecter un protocole sanitaire renforcé. Dans ce méli-mélo de mesures ahurissantes, nous avons donné la parole à des personnes « essentielles » comme des personnes « non essentielles » (sic).
Les fêtes de fin d’année 2020 risqueront d’être… « Différentes », avait tonné le gouvernement. Après un suspens intense, le spoiler aura été à la hauteur : il y aura des irremplaçables et des futiles. Une question à se poser est : qui décide ? Et les cas de contaminations ont-ils été étudiés commerce par commerce pour les différencier ainsi ? Toujours est-il que pour beaucoup, le second confinement de l’année aura été un sacré coup dur.
« Il est clair que ces fêtes de fin d’année vont être tristounettes pour certains », glisse de sa voix douce Mireille, responsable de la boutique Vent de Sud, un magasin d’ameublement et de décoration à Carpentras. Là, on y trouve des pépites et l’ambiance du magasin de proximité, dans lequel on prend le temps de bien chercher avec vous votre bonheur. « J’ai la chance d’avoir une clientèle fidèle, qui a envie de consommer localement. Ma belle-fille a crée durant le confinement une page Facebook et Instagram. Donc fin novembre de nouveaux clients sont arrivés… Mais vous savez, moi je suis une ancienne agricultrice. Il y a seize ans, avant d’ouvrir cette boutique, je ramassais des raisins. J’aime la terre, la nature et le rapport vrai avec les gens. Alors les réseaux sociaux, oui, mais il nous faut aussi de l’échange… », poursuit-elle, avec calme. Charles Guirriec, fondateur de Poiscaille, une plateforme de vente de produits de la mer en circuit court, garde lui aussi le sourire : « chez Poiscaille, la version marine du panier de légumes, la pêche est bonne en cette fin d’année. Le confinement de printemps a été houleux. Malgré un gros niveau de commandes, il a fallu tout organiser sur mesure. Les membres de l’équipe bloqués à la maison avec les enfants, la crainte du virus, la logistique aléatoire, chaque semaine on recommençait à zéro. Un chiffre d’affaires spectaculaire, mais l’équilibre d’exploitation en a pris un coup. L’automne se passe bien mieux. Le deuxième confinement a accéléré les inscriptions à nos Casiers de la Mer. On récolte les fruits de la tempête du printemps. Les clients ont goûté nos produits et découvert la qualité apportée par le circuit court. Nos critères de fraîcheur, de durabilité et d’éthique paient. À l’autre bout de la chaîne, les pêcheurs sont particulièrement reconnaissants du soutien que Poiscaille leur a apporté cette année. Certains nous ont même confié que “sans Poiscaille, j’aurais mis la clef sous la porte”. La barre des 9000 inscrits est maintenant franchie, presque trois fois le niveau du début d’année. L’équilibre financier est de retour. Cent pêcheurs partenaires dont beaucoup nous confient pouvoir se permettre de pêcher moins grâce aux bons prix garantis toute l’année. De quoi aborder sereinement les fêtes de fin d’année, avec des objectifs de croissance pour 2021 à la hausse. Cap sur les 20 000 abonnés, il va falloir déménager ! »
Un état d’esprit combatif que l’on retrouve chez Charles Damageux, créateur et dirigeant de Mon Petit Caviste, à Lille. « J’ai ouvert seul mon entreprise. Souhaitant désacraliser le vin, le rendre accessible, de façon simple, très cool, j’ai lancé mes cours de dégustation, qui sont une version 2.0, décontractée, ôtant aux autres la sensation d’avoir l’air bête s’ils n’y connaissent rien. Ces cours s’adressent à la fois aux entreprises comme aux particuliers. Je propose aussi des collaborations avec des bars, les soirs où c’est plus calme pour eux. Deux ans d’existence et voilà que cette année, étant donné que je travaille autant avec les personnes du secteur de la restauration que celles de l’événementiel, j’ai pris claque sur claque avec ces confinements. En mars et avril, n’ayant pas eu l’aide de l’État, j’ai perdu 8000 euros. Plutôt que de m’apitoyer sur mon sort j’ai préféré trouver des astuces… Alors j’ai opté pour les livraisons à domicile. Seul, j’ai livré mes cartons. Puis il y a eu la dégustation en vidéo — bien que je regrette cette ambiance, qui manque de partage, de chaleur. Une première dégustation sur Zoom a bien fonctionné. J’ai fait du Click And Collect. Après un mois d’août blanc, j’avais prévu de nombreux événements. Et le second confinement est venu clouer au sol mon plus gros chiffre d’affaires de l’année. Je viens encore de perdre entre 16 000 et 18 000 euros. Après avoir travaillé d’arrache-pied, j’en ai eu marre. Un sentiment de “laissez-nous bosser” m’a envahi. Comme d’autres, j’ai mon loyer à payer, mes charges, aussi. Je ne suis pas salarié, je ne travaille pas de chez moi, je n’ai guère de chômage partiel. Si j’avais pu éponger un peu au premier confinement, le second a été un choc. Pourquoi ne pourrais-je pas continuer mon activité et de voir des gens se ruer dans des centres commerciaux acheter leurs vins ? Sachant que je respecte les normes sanitaires ? Alors je me suis relevé et j’ai crée, en association avec des vignerons, des box de Noël avec à l’intérieur six mignonnettes que l’on peut découvrir et un cours de dégustation. Avec envoi à domicile ». On cite souvent Darwin avec sa phrase « les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements ». Ici, face à ces témoignages, nous retiendrons plutôt celle-ci : « construire un meilleur piège à souris ne fait que créer des souris plus intelligentes ».