Comment faire cadrer l’éthique consumériste avec l’éthique capitaliste ?

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Yuval Noah Harari

Professeur d Histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem, Yuval Noah Harari mêle l’Histoire à la Science pour remettre en cause tout ce que nous pensions savoir sur l’humanité : nos pensées, nos actes, notre héritage… et notre futur.

« Comment faire cadrer l’éthique consumériste avec l’éthique capitaliste de l’homme d’affaires, suivant laquelle il ne faut pas dilapider les profits, mais les réinvestir dans la production ? Élémentaire. Comme dans les périodes antérieures, l’élite et les masses se partagent le travail. Dans l’Europe médiévale, les aristocrates insouciants dépensaient leur argent en luxes extravagants, tandis que les paysans vivaient frugalement, comptant chaque sou. De nos jours, la table a tourné. Les riches prennent grand soin de gérer leurs actifs et investissements alors que les moins nantis s’endettent pour acheter des voitures et des télévisions dont ils n’ont pas vraiment besoin.

Les éthiques capitalistes et consuméristes sont les deux côtés de la même médaille, la fusion de deux commandements. Le commandement suprême du riche est ; « Investis ! » Celui du commun des mortels : « Achète ! »

L’éthique capitalistico-consumériste est révolutionnaire d’un autre point de vue. La plupart des systèmes éthiques antérieurs proposaient aux gens un marché assez rude. Ils leur promettaient le paradis, si seulement ils cultivaient la compassion et la tolérance, dominaient l’envie et la colère et refrénaient leurs intérêts égoïstes. Pour la plupart, c’était trop dur. L’histoire de l’éthique est la triste histoire de merveilleux idéaux que personne ne saurait atteindre. La plupart des chrétiens n’imitent pas le Christ, la plupart des bouddhistes sont incapables de suivre Bouddha, et la plupart des confucéens auraient provoqué une crise de rage chez Confucius.

À l’opposé, la plupart des gens, aujourd’hui, n’ont aucun mal à se hisser à la hauteur de l’idéal capitalistico-consumériste. La nouvelle éthique promet le paradis à condition que les riches restent cupides et passent leur temps à se faire du fric, et que les masses lâchent la bride à leurs envies et à leurs passions, et achètent de plus en plus. C’est la première religion de l’histoire dont les adeptes font vraiment ce qu’on leur demande de faire. Mais comment savant nous que nous aurons vraiment le paradis en retour ? Nous l’avons vu à la télévision. »


Yuval Noah Harari, Une brève histoire de l’humanité, Albin Michel, 2019.

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