La nasse des taux nuls n’en finit pas

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La situation économique en cours depuis une dizaine d’années tend à faire converger vers 0 % les taux d’intérêt, les gains de productivité, la croissance et l’inflation ainsi que l’évolution des salaires.

Depuis une vingtaine d’années, les gains de productivité mesurés à partir de la productivité par tête s’affadissent. Ils sont ainsi passés pour la zone euro de 1 % dans en 2002 à 0,3 % en 2019 (taux moyen lissé sur cinq ans). De ce fait, la croissance potentielle qui s’élevait à 2 % au début du siècle était descendue au-dessous de 1 point avant même la crise sanitaire.

Malgré des politiques monétaires très accommodantes, l’inflation n’arrive pas à atteindre l’objectif de 2 % assigné par les banques centrales. La concurrence générée par la mondialisation et par l’émergence du digital explique la disparition de l’inflation. La perte de pouvoir de négociation des salariés avec la réduction de la taille de l’industrie, l’avènement de nouvelles formes de travail et la succession des crises limitent la hausse des salaires. Les augmentations des revenus passent de plus en plus par les baisses des prix et par la hausse des prestations sociales que par les majorations salariales. Le freinage de l’inflation concerne les salaires, les biens et les services, mais ne touche pas les actifs immobiliers et financiers qui connaissent depuis vingt ans une forte appréciation. Malgré tout, l’inflation sous-jacente tend vers zéro depuis le milieu des années 2010 au sein de la zone euro. Pour contrarier ce processus, les banques centrales n’ont eu de cesse de maintenir des taux bas, nuls, voire négatifs. Le taux repo de la zone euro qui était de 4 % en 2007 est nul depuis 2016. Les taux des obligations d’État à 10 ans de la zone euro hors Grèce sont nuls, lui aussi, depuis 2019. Ce taux était encore de 4 % en 2012.

Cette convergence vers zéro peut annihiler toute politique économique. Faute de croissance, faute d’inflation, le poids de l’endettement ne peut que s’accroître rendant ainsi de plus en plus nécessaire le recours à la monétisation. L’autre option serait de poursuivre la baisse des taux d’intérêt en s’enfonçant en territoire négatif avec comme conséquence des taux nominaux de long terme nettement inférieurs à zéro. L’argent abondant ne valant plus rien, il perd au fil du temps sa valeur. Les agents économiques qui décident de conserver des encaisses importantes seront pénalisés. Il s’agit alors de « répression par les taux » de l’épargne. Ce processus qui a cours au Japon depuis les années 1990 tend à se généraliser.

Fuite en avant

Pour échapper cette convergence vers le point 0, une hausse de la croissance potentielle apparaît indispensable. Elle suppose soit une augmentation de la population active occupée, ce qui suppose un recours à l’immigration au sein de la zone euro, soit une augmentation la productivité. Celle-ci pourrait être obtenue par une diminution du salaire nominal, ce qui est très difficile, voire impossible, à réaliser en période de faible inflation.

Les politiques monétaires mises en œuvre depuis une dizaine d’années conduisent donc à une fuite en avant tout en réduisant au fur et à mesure les marges de manœuvre. Le système ne tient que par le caractère mondial, voire universel, de la monétisation des dettes. Si, à un moment où un autre, une défiance intervient, le blocage pourrait être alors violent. Pour certains, il pourrait être surmonté par un effacement partiel des dettes, pour d’autres, par l’avènement d’un autre système monétaire.

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