Solidaire en ces temps de pandémie mondiale, l’ESS n’a jamais aussi bien porté son nom. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, ses acteurs ont multiplié les initiatives pour ne pas laisser en rade les entreprises en difficulté. Et ils ont parfois innové pour faire face aux avaries qui bousculent l’économie mondiale.
S’il est naturel pour le monde patronal de se trouver, en ces temps de crise, au chevet des entreprises, celui de l’économie sociale et solidaire ne leur a pas fait faux bond non plus. C’est notamment vrai en PACA où, comme ailleurs, les acteurs de l’ESS se sont fortement mobilisés pour permettre à ces dernières de passer le cap délicat du confinement. Avec parfois, quelques spécificités locales.
Premier réflexe naturel, l’enquête auprès des principaux intéressés pour établir un état des lieux de leur situation économique. Ainsi s’est illustrée l’Adie Paca, dans la droite ligne des directives données au national. « Nous avons appelé tous nos clients afin de leur proposer de reporter l’échéance de leur microcrédit. Nous faisons cela tous les mois, jusqu’à ce que le confinement se termine. En PACA, nous comptons près de 2000 entrepreneurs en cours de remboursement d’un prêt, que l’on suit. Nos 27 salariés et nos 80 bénévoles ont réalisé ce phoning », explique Sébastien Chaze, directeur régional. Même réflexe auprès de la Cress Paca, qui revendique une spécificité en termes de positionnement, comme l’explique son président, Denis Philippe. « Nous nous définissons comme une chambre régionale des entreprises de l’ESS et nous sommes dans la défense des intérêts de ces dernières. On est d’ailleurs la chambre qui fédère le plus d’entreprises en France, nous allons terminer l’année avec près de 500 adhérents. »
Ainsi, c’est tout naturellement qu’une permanence téléphonique s’est mise en place, là encore. Par ailleurs, « notre commercial, dont le rôle était de faire de l’adhésion, s’est retrouvé de fait bloqué. Donc on lui a confié une autre mission qui est d’appeler nos entreprises pour voir les difficultés qu’elles rencontrent. » Ainsi, près de 80 % de dirigeants interrogés ont déclaré être très fortement impactés par la crise. Et plus de 30 % des entreprises ont totalement arrêté leur activité. Les secteurs les plus en difficulté ? « Le tourisme social, l’événementiel, les sports, le secteur culturel, notamment les entreprises proposant des activités de formation. 50 % des entreprises interrogées sont en train d’anticiper une baisse des ressources sur leur prévisionnel », détaille le directeur de la Cress, David Heckel. Outre l’état des lieux, l’enquête a permis également de connaître les besoins de ces entreprises. Besoins remontés à l’échelle de la Région, comme à celle de l’Etat…
Plaider au sein du monde institutionnel
Car une autre façon des acteurs de l’ESS de se mobiliser pour les entreprises, c’est de cultiver la proximité avec les mondes institutionnels, publics, patronaux, consulaires. Ainsi la Cress Paca, forte de ce positionnement très axé entreprises, a su parler le même langage qu’un Renaud Muselier (LR), président de région PACA, de Régions de France et historiquement chef d’entreprise. « Je lui ai expliqué en amont ce que sont nos entreprises, ce qu’elles produisent, le fait qu’elles ne délocalisent pas, qu’elles créent de la richesse sur le territoire… La Région s’est ainsi rapprochée de nous pour nous intégrer dans ses dispositifs. Nous faisons partie de sa Task force, avec les autres acteurs économiques »… Un autre organe sous statut associatif, le Conseil régional de l’ordre des experts-comptables PACA (Croec), a lui aussi fait entendre la voix des entreprises clientes de ses adhérents. Tout d’abord, en participant dès le 13 mars dernier à la mise en place d’une cellule de crise et de coordination avec les administrations. Parmi les objectifs poursuivis, « récupérer l’ensemble des textes, les analyser et les envoyer à l’ensemble des experts-comptables pour qu’ils puissent être à jour des nouveautés et accompagner au mieux leurs clients. Se poser en vigie, pour nous assurer que ces dispositifs sont bien en adéquation avec les besoins du tissu économique. Nous avons par exemple fait remonter les besoins du secteur du bâtiment, qui n’avait pas droit au chômage partiel puisqu’il devait poursuivre son activité, mais sans matériel… les magasins de BTP professionnels étant fermés », explique le président Lionel Canesi.
L’Ordre participe ainsi à différentes cellules mises en place, que ce soit au niveau de la Région, de la préfecture ou de la chambre de commerce. « Il s’agit de voir ensemble où sont les trous dans la raquette. Le principal étant aujourd’hui le dirigeant ! J’ai donc émis une proposition : qu’il ait droit à titre personnel au même dispositif que l’activité partielle, mais limitée par exemple au Smic, ou à un demi-Smic. Car le problème du dirigeant, c’est qu’à titre personnel, il n’a droit à rien. »
Apporter des réponses financières
Par ailleurs, les acteurs de l’ESS ont également innové en termes de services. Ainsi le Croec a-t-il mis en place une initiative dédiée aux entreprises sans expert-comptable, en lien avec le Club des jeunes experts-comptables de la région, conseillant ces derniers à titre gratuit sur les différentes mesures d’aide. La Cress Paca, de son côté, a revu totalement son offre de services en misant sur les webinaires. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en place du fonds Covid Résistance, elle a monté un consortium d’acteurs experts. « Nous faisons de l’intermédiation là où les autres Cress n’ont fait que de la promotion du dispositif. Nous accompagnons nos adhérents dans l’octroi de ce fonds et sommes donc partenaires de la solution », reprend David Heckel.
Le financier… c’est enfin un autre type d’aide proposé par les acteurs de l’ESS. L’Adie Paca s’y mobilise à plus d’un titre. « Nous avons mis en place tout d’abord une ligne de prêt de trésorerie, qui a permis dans les cas les plus urgents d’injecter jusqu’à 1000 euros. C’était un prêt que l’Adie a proposé directement sur ses fonds propres, selon une ligne nationale d’un million d’euros », avance Sébastien Chaze. De quoi répondre à l’urgence d’un public, qui, la plupart du temps, ne remplit pas les critères pour disposer des aides financières définies par l’Etat. En effet, selon une enquête réalisée à l’échelle nationale auprès de 2000 entrepreneurs, la moitié seulement de ces derniers était éligible au dispositif du fonds de solidarité. Même combat avec le PGE : 7 % seulement des répondants ont pu l’obtenir. « Et au final, un micro-entrepreneur sur deux nous dit qu’il compte peut-être arrêter son activité. » Mais outre les aides financières destinées à la trésorerie, il y a aussi la volonté d’impulser la relance. « On travaille, pour tous ceux qui auront réussi à tenir, à développer des moyens pour les aider à repartir. On mobilise nos partenaires, publics, privés, pour apporter des capitaux dont le remboursement pourra être différé, sans intérêt. » BPI et la Région PACA ont déjà répondu présent. Tout comme, côté privé, la Banque populaire Méditerranée qui mettrait 70 k€ dans ce fonds. « Le besoin régional pour ces prêts d’honneur a été estimé à 3 M€ », ce pour apporter une réponse financière aux micro-entrepreneurs sous forme de prêt de 3000, 4000 euros, idéalement à 0 %. Enfin, toujours pour la relance, l’Adie planche également sur « une offre de microcrédit adaptée avec des différés plus importants que ce qu’on avait l’habitude de faire en temps normal et des taux d’intérêt inférieurs. Ce au moins jusqu’à septembre. Nous allons solliciter les banques mutualistes et les collectivités locales en ce sens. »