Le virus de l’entraide s’est propagé vitesse grand V au sein du tissu économique en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Des innovations nombreuses, variées dans leur forme, à destination du salarié ou d’autres entreprises, et qui parfois portent déjà les germes d’un business futur.
C’est la première porte d’entrée, sans doute la plus mise en avant : les besoins des soignants, entravés dans leur mission par la pénurie de matériel, ont cristallisé les impulsions d’une solidarité exponentielle dans le monde de l’entreprise. Dans le Sud, les acteurs économiques n’ont pas fait défaut à cet élan. Ici, certaines lignes de production sont désormais dédiées à la fabrication de gel hydroalcoolique, comme au sein du laboratoire cosmétique L’Occitane sis à Manosque (04). Là, des matières premières, tissu homologué, molleton, alcool sont cédés gratuitement par les entreprises du textile et les distilleries locales (dont 70 000 litres par le groupe Pernod-Ricard) pour multiplier autant que faire ce peut ces masques, blouses, gels qui manquent tant. Là encore, les dons alimentaires parviennent aux hôpitaux, par exemple ceux de la chocolaterie aixoise Puyricard (13). On ravitaille les soignants, on fait aussi en sorte qu’ils puissent se déplacer aisément, alors que la desserte de transports en commun se trouve de fait amoindrie. Ainsi Totem Mobi, proposant dans les Bouches-du-Rhône un service d’autopartage de véhicules électriques a-t-elle décidé de mettre sa flotte à leur service à titre gratuit. « Cela concerne les soignants au sens large », précise la dirigeante, Emmanuelle Champaud, revenant sur les détails de l’offre. « On s’inscrit via une adresse mail dédiée. Nous demandons un dépôt de garantie de 150 euros, le véhicule doit également être rechargé. Pour justifier du droit à cette offre, le soignant doit par ailleurs faire copie de papiers professionnels. » Totem Mobi comptait une quinzaine d’inscrits quelques jours après le lancement de l’initiative, des demandes parvenant depuis quotidiennement.
Offres gratuites ou à prix coûtant
Toutefois, la solidarité interentreprises ne s’exerce pas qu’envers le seul secteur de la santé. Elle est déjà impulsée par les syndicaux patronaux. « Nous sommes bien sûr à l’écoute de nos adhérents et de leurs inquiétudes, nous organisons avec eux sur les réseaux sociaux des lives thématiques, nous échangeons via des groupes WhatsApp territoriaux », détaille de son côté Xavier Decramer, directeur de cabinet de l’UPE 13 (Union pour les entreprises). Toutefois, l’instance patronale ne se limite plus à ce rôle de courroie de transmission. « Nous aidons aussi concrètement des entreprises dans leur quotidien. Il s’agit par exemple de trouver de nouveaux transporteurs et donc, de restaurer la chaîne logistique pour que certains acteurs de l’agroalimentaire puissent livrer les grandes surfaces. »
Et donc, tous secteurs confondus, on se tend la main. C’est dans cet esprit qu’Anne Kramel et Claire Fiori, fondatrices de l’agence de RP phocéenne Accès Presse, ont lancé une opération « Coup de pouce ». Le concept : « il s’agit d’une offre gratuite, simple, à destination des entreprises ayant besoin de communiquer sur leur activité, en rapport avec la crise actuelle. Nous leur demandons de rédiger le message, nous l’envoyons à nos contacts presse et effectuons quelques relances », explique Anne Kramel. Une initiative qui permet non seulement de garder le lien avec les clients récurrents de l’agence, mais aussi d’en créer avec de nouveaux venus. Pour de futurs contrats à l’issue de la crise ? Peut-être bien. Jusqu’ici, Accès Presse a communiqué dans ce cadre pour le compte d’une dizaine de structures. Et parmi ces touches toutes fraîches, il y a Oxytronic, elle aussi porteuse d’une initiative destinée aux entreprises. Spécialisée dans la réalisation de pièces plastiques pour le secteur de l’aéronautique, cette Aubagnaise (13) a décidé d’utiliser ses machines d’usinage pour fabriquer des hygiaphones de guichets en plexiglas à prix coûtant. « La cible prioritaire, c’est avant tout les pharmacies, l’accueil des centres médicaux. Nous avons mis au point un modèle standard, coûtant 45 € HT. Mais des commerçants en alimentaire sont aussi venus nous solliciter et avec eux, nous faisons du sur-mesure », développe Serge De Senti, président d’Oxytronic, déclarant non seulement avoir des clients en PACA, mais aussi en Rhône-Alpes et en Ile-de-France pour cette offre spécifique.
Garder le lien avec les salariés
Dernier point, mais non le moindre, cet élan s’impulse aussi à destination de l’individu. Il cible tout d’abord les salariés de l’entreprise, cette dernière s’affirmant plus que jamais dans sa mission de cohésion sociale. Outre les aménagements réalisés pour faciliter le télétravail, les dirigeants provençaux ont, pour certains, tenu à garder le lien avec leurs collaborateurs, en instaurant des moments virtuels de convivialité. C’est le cas chez QuickMS, start-up proposant une solution numérique de gestion des ressources humaines. « Nous avons mis en place un appel quotidien en visio à heure fixe pour nous saluer, partager nos idées d’activité à la maison, mais aussi pour s’assurer que tout le monde va bien. Nous avons des jeunes avec nous, certains sont confinés dans des chambres d’étudiants, loin de leur famille, et il est important de rester en contact », illustre ainsi Sabine Ferrero, responsable administrative RH, Finances et Marketing. D’autres ont fait le choix d’un geste financier à l’égard de leur personnel, lorsque la trésorerie le permettait. « Nous avons dû mettre nos salariés en activité partielle, mais j’ai décidé de compléter les indemnités de mes collaborateurs, qui perçoivent 100 % de leur salaire, sans aucune baisse. Face à cette situation anxiogène, tant sur le plan sanitaire qu’économique, cela a contribué à les rassurer quant à la solidité l’entreprise », avance de son côté Sandie Tiziano, dirigeante de Biotic Phocéa, PME spécialiste à Marseille de la fabrication de pigments destinés entre autres à la dermopigmentation médicale et au maquillage permanent.
Enfin, certaines entreprises se sont focalisées sur le particulier, notamment vulnérable. Mon Emile, start-up marseillaise se définissant comme un coach de vie pour les 3e et 4e âges, a suspendu son offre commerciale et rendu son service gratuit pendant ce temps de confinement. « Pour ce faire, j’ai élargi mon cercle à des intervenants bénévoles, issus des mondes soignant ou médico-social. Il s’agit de leur faire les courses, d’aller à la pharmacie, d’installer des moyens de communication numérique… tout cela dans le respect des normes sanitaires, » explique le fondateur Emile Brin. A Marseille, il compte une trentaine de bénévoles, mais son entreprise œuvre dans l’ensemble de PACA, ainsi qu’en Rhône-Alpes et en Ile-de-France. « Au total, nous avons mobilisé 110 bénévoles et 40 conseillers à l’échelle nationale. Nous en cherchons près d’une cinquantaine supplémentaire afin de satisfaire toutes les demandes, puisque 80 restent pour l’heure en souffrance. »