A Marches, un petit village à 20 km de Valence dans la Drôme, depuis mi-2018, Lamazuna continue de se développer à grande vitesse. Laetitia Van de Walle, sa fondatrice, compte l’emmener jusqu’à 150 collaborateurs. Pas plus. Et elle argumente cette théorie.
En 2010, à peine ses études terminées Laetitia Van De Walle pioche 500 euros dans ses économies et sollicite sa mère qui lui remet 2 500 euros. « Je n’ai pas fait d’emprunt à la banque et je n’ai toujours pas d’investisseurs. Je gère en bon père de famille », dit la jeune dirigeante. Un tel démarrage a nécessité des sacrifices. « J’ai mis cinq ans pour pouvoir me payer donc j’ai développé l’entreprise, petit à petit, en même temps que j’occupais des postes en entreprise. 2015 marque aussi l’année où j’ai pu embaucher mes premiers salariés. » Depuis, le capital patient semble avoir porté ses fruits. Lamazuna compte, en mars 2020, 50 collaborateurs. Elle envisage une cinquantaine d’embauches supplémentaires durant cette année 2020 et tout autant en 2021. Pour atteindre une entreprise de 150 personnes « et pas plus ! », avance-t-elle. La dirigeante affirme avoir réalisé un chiffre d’affaires de 10 M€ sur l’exercice terminé fin mars 2020, mais garde confidentiel son résultat. « Nous sommes une entreprise profitable », concède-t-elle cependant puisque la société vit toujours de la vente de ses produits, sans avoir dû lever des fonds.
Lamazuna a démarré son activité en région parisienne. Spécialisée dans la mise au point de cosmétiques solides (shampooing, déodorant, dentifrice, pain de rasage…) et d’accessoires éco-conçus (brosses à dents en bois, cotons démaquillants lavables et réutilisables près de 400 fois, serviettes hygiéniques lavables…), l’entreprise commercialise les produits qu’elle fait fabriquer, par près de 30 fournisseurs, via son propre site internet (13 % de ses recettes) et le réseau des points de vente bio en France et à l’étranger. Lamazuna vend dans vingt pays, soit 30 % du chiffre d’affaires global.
« L’idée d’origine consiste à être zéro déchet dans la salle de bain, explique Laetitia Van de Walle. Chaque produit est réfléchi de bout en bout, des matières premières à sa fin de vie, pour tendre vers le zéro déchet, en rapprochant la production le plus possible de ses marchés et en veillant à ne pas épuiser les ressources naturelles. Une équipe de six personnes travaille aux innovations des produits afin de faire fabriquer selon notre cahier des charges. » Le volume qui apporte de meilleures marges, mais aussi le sourcing permettent même de faire baisser les prix publics. « En septembre 2019, nous avons pu baisser le prix des brosses à dents de 20 % grâce à une conception différente. » Rares sont les entreprises qui baissent sciemment leurs tarifs. « Cette démarche a inquiété des distributeurs qui pensaient que l’entreprise allait mal », en sourit aujourd’hui Laetitia Van De Walle.
Déménagement de Paris vers la Drôme
Le vrai tournant pour Lamazuna date ainsi de son arrivée dans la Drôme. La jeune Parisienne qui rêve d’un jardin en permaculture pour nourrir ses collaborateurs franchit le pas courant 2018. « Je visite des locaux dans des zones d’activités qui ne correspondent pas à mon projet, se souvient-elle. Jusqu’à ce que j’arrive sur le site de Marches, face au Vercors. » Elle a trouvé un terrain de jeu pour déployer son projet : bâtir une entreprise qui n’accueillera pas plus de 150 personnes, « nous nous organisons pour continuer de développer l’entreprise et ses performances tout en restant à ce seuil de collaborateurs qui favorise toujours l’interaction sans nécessairement avoir de cadre trop strict », et offrir un environnement et des conditions de travail à ses salariés, en accord avec ses principes environnementaux. Un permis de construire a été déposé pour aménager un nouveau site, Lamazuna a besoin principalement de zones de stockage pour ses produits fabriqués en externes, attenant à un grand potager en permaculture et une crèche pour les enfants des collaborateurs. « Les tout-petits vivront le zéro déchet le plus tôt possible. » Le tout toujours face au Vercors pour un investissement de 4 M€.
En juillet 2018, lorsqu’elle arrive dans la Drôme, onze de ses quatorze collaborateurs la suivent. « C’est une promesse que je leur ai faite. Le nouveau site devrait être opérationnel en 2025. » Restent à Paris, l’équipe de la boutique.
Depuis, elle affirme que son approche et les conditions de travail qu’elle offre attirent des talents. « Fin février, un jeune collaborateur est venu de Londres pour nous rejoindre. Nous recevons des candidatures de très belles qualités pour des postes variés : de la logistique au contrôle de gestion, en passant par l’innovation et le commercial. Une DRH structure désormais ce volet », dit Laetitia Van De Walle.
Etre malin
Cette démarche vertueuse qui vise « à ne pas créer de besoins » en multipliant les références pourrait conduire Lamazuna hors de la salle de bain. Ainsi, depuis quelques semaines, le site sélectionne des marques « éthiques » dans les domaines de la mode et pour des accessoires de cuisine, avec un message clair : « Réduisez vos déchets et les plastiques dans votre cuisine » et « Pensez à une garde-robe minimaliste ».
Mêmes convictions du côté des fournisseurs. « Nous travaillons avec des PME conventionnelles qui signent notre charte les incitant à produire plus responsables. Beaucoup commencent à se poser des questions sur leurs propres fonctionnements internes », se félicite Laetitia Van De Walle qui assume ce côté militant. « L’entreprise doit rayonner sur l’ensemble de son écosystème. »
Voire se recentrer sur des zones géographiques données. « Avec une société limitée à 150 collaborateurs, nous ne visons donc pas l’expansion, mais plutôt, maintenant que l’entreprise arrive à maturité, un recentrage sur les marchés uniquement européens. Et pour cela, il faudra optimiser le quotidien et les process. Bref, être malin… »