Depuis quelques temps, des panneaux publicitaires annoncent « elle a osé ». Oser changer de métier. Oser dire non à son patron pour aller vers le mieux. Cela relevait du parcours du combattant il y a quelques années, mais c’est désormais nécessaire. Pourquoi s’éteindre derrière un bureau quand on peut s’épanouir ailleurs ? La « start-up sphère » permet d’entrer dans un monde des possibles. Avec des difficultés, surmontables. Tour d’horizon de quelques personnes qui ont ou vont oser.
Ils ont voulu changer de métier, d’entreprise, de ville ou de pays. Ils, elles, ce sont des personnes qui, un jour, ont sursauté au vu de leurs conditions de travail, de leur manque d’envie de se lever. Une prise de conscience nécessaire qui leur a permis de se redécouvrir, de faire un massage cardiaque à une alacrité qui a déserté ou encore de refuser l’inacceptable.
Se sentir à nouveau vivante
Anna* a définitivement fermé la porte de l’office notariale dans laquelle elle « souffrait ». Avant, elle devait se plier aux desiderata d’un notaire qui pensait avoir toute sa vie du gibier sous-payé sous la main. Or Anna a renoncé. Elle a préféré rejoindre une office qui vient tout juste de naître. « J’ai un salaire inférieur, mais au moins je sais pourquoi. C’est le lancement. Il faut se serrer la ceinture pour tenir dans le futur ». « Avant, on me promettait une augmentation qui n’arrivait jamais. Le chiffre d’affaires en sus, c’était pour le boss. Et ils m’ont fait tourner en bourrique pour un montant d’augmentation déjà dérisoire et qu’ils n’ont eu de cesse de baisser. C’était incorrect. Soit on refuse d’augmenter, soit on tient parole ». Désormais elle se sent revivre. « Je ne suis plus là à travailler presque comme un automate. Il y a des choses difficiles à surmonter, des réflexes de la personne non salariée-et-pantouflarde à développer. À la fois j’ai peur, car il faut gérer des dossiers nouveaux, revoir certaines choses, parler en permanence avec ma nouvelle patronne, à la fois je me sens de nouveau vivante ».
Travail manuel
Corentin*, lui, travaille à l’ARS depuis dix ans. Ce qu’il y a découvert l’a écœuré. Il s’est rendu compte de l’absurdité de certaines décisions prises dans un immeuble de près de 1000 salariés, des dysfonctionnements internes qui le choquaient tant l’éthique était aux abonnés absents. Après des mois d’arrêts pour dépression, il retape aujourd’hui des tables basses, des vieilleries, tout ce qui lui passe sous la main et qui reprend vie grâce à son talent. À terme, Corentin souhaite lancer son propre site en proposant justement de donner un souffle nouveau aux objets dont il redessine si bien les contours. Une passion pour le bricolage et le travail manuel qui ne l’a finalement jamais quitté. « Je me sens croupissant derrière un bureau surveillé par une hiérarchie qui ferme les yeux ou se tait sur un certain nombre de pratiques. En rentrant chez moi, c’est le vrai sens de la vie que découvre lorsque je travaille avec mes mains. Le bois. Le métal. Cela me semble tellement plus évident ».
Recommencer à vivre à 45 ans
Pour Pedro et Laurence, c’est une tout autre aventure qui a bousculé leur vie. Le départ à l’étranger. « On vivait mal à Paris. Des loyers excessifs, des tensions, du stress… Nos enfants n’avaient même plus le sourire ». Un bonheur qu’ils ont découvert en arrivant au Canada, où le maire de leur ville a même écrit un communiqué afin de les accueillir comme il se doit. « Ici les gens se parlent, vos voisins vous saluent, on retrouve une bonté qui semblait disparaître en France ». « On nous disait que l’herbe n’était pas plus verte ailleurs, que l’on finirait par regretter et rentrer. Il n’en est rien. On a recommencé à vivre… À 45 ans ».
Quant aux personnes qui se plaisent dans leur domaine, la reprise d’études en alternance est également une option. Isabelle a demandé une formation supplémentaire à son entreprise de courtier en assurance. La sérendipité l’aura agréablement surprise : depuis, elle sourit à l’idée d’avoir un diplôme validant ses acquis et aspire à atteindre un poste dont elle sait pertinemment qu’elle en a les compétences…
* tous les prénoms ont été modifiés.