Le premier Congrès International des Médiations s’est tenu du 5 au 7 février à Angers. Couple en crise, quartier sensible, entreprises sous tensions… elle n’est pas la panacée, mais selon les acteurs de cette profession en pointe, la médiation permettrait à deux tiers des conflits de trouver une solution.
« Lorsqu’on ne se parle plus, c’est la guerre et ce sont les chantiers qui sont à l’arrêt ». Après une carrière dans le BTP, Didier Chavernoz a crée DCIC Confluence « Les parties ont intérêt à se parler rapidement et à retrouver la sérénité qui présidait à la signature du contrat plutôt que des expertises et des procès qui vont durer des années ». Au « village de la formation », tout le monde se retrouve au moment de la pause. « C’est comme l’arbre à palabre » plaisante un médiateur d’une cité du 93. « On a besoin de se parler, la médiation explose ».
L’affaire de tous
A ses côtés, une médiatrice conjugale, un sophrologue et, reconnaissable à son accent américain, « la star ». Look à la Sharon Stone, Ana Sambold est l’avocate américaine qui a participé à la signature des accords des Nations-Unis, appelés communément la Convention de Singapour sur la médiation entre entreprises. « Les conflits coûtent très cher chez nous, alors, on essaie de stopper le conflit en amont — souligne l’avocate américaine — En France, il y a un changement de culture à faire, il me semble que l’on va au pourrissement, on monte en mayonnaise les conflits et à la fin chacun y a laissé des plumes et de l’argent, tout cela pour qu’il y ait un gagnant et un perdant ». Un participant l’interroge « Vous avez un conseil ? » « Le plus dur, c’est l’entrée en médiation, il faut avant tout laisser de côté les ego et les ressentiments ». Venue de San Diego, elle nous apprend qu’elle retourne à Paris pour participer à la Médiation week, une compétition entre 350 étudiants de 66 universités du monde organisée par la Chambre de Commerce Internationale. Ahmed Galaï, Prix Nobel de la Paix 2015, est de la partie. « La médiation, c’est l’affaire de tous. Il d’agit de réconcilier les gens en rappelant le droit et les droits de chacun, cela passe par l’exigence de vérité. Il faut se dire les choses ». Le défenseur tunisien des droits de l’homme insiste sur les rapports sociaux « Les dirigeants d’entreprise ont un devoir de redevabilité à l’égard des salariés, cela ne va pas de soi, il y a des conflits latents alors il faut de la médiation ».
Changement de culture
L’organisateur de l’événement ne boude pas son plaisir. Ancien éducateur de rue, Hervé Carré en a eu l’idée en participant à une rencontre des l’association des médiateurs des collectivités territoriales (AMCT). « Je me suis dit, il y a un foisonnement de pratiques différentes d’un pays à l’autre, mais il y a un manque de visibilité de la médiation, il y a urgence à les confronter. Cette révolution culturelle devait avoir son congrès ». Les professionnels tempèrent l’enthousiasme général en pointant quelques limites. « Nous sommes un peuple de procéduriers, nous montons vite au créneau et nous voulons régler tous nos conflits par le judiciaire. Or la réponse judiciaire n’est pas dans bien des cas la plus appropriée ni celle qui va régler le problème de fond — souligne Joëlle Dunoyer, médiatrice et animatrice de la revue Intermédiés-Nous sommes dans un changement de culture et comme tout changement structurel, cela prend du temps ».
Pas gagné
« En France nous sommes atteints de procédurite aiguë » renchérit Stephen Bensimon — les chefs d’entreprises issus des grandes écoles ne sont pas préparés à gérer les conflits humains, sans doute faudrait il les intégrer dans les programmes ». Le directeur de l’ l’Institut de Formation à la Négociation et la Médiation (IFOMENE) a vu ses inscriptions passer de 20 personnes en 1998 à plus de 800 aujourd’hui. « La médiation se développe tous azimuts, le procès fait peur et l’on sent bien que pour les dirigeants l’urgence est de savoir comment régler les désaccords ? On ne s’entend pas, mais l’on a besoin de s’entendre vraiment ! » « Il ne faut pas voir la médiation comme une formule magique, elle est juste là pour qu’on s’explique, c’est un fil d’Ariane », martèle Christine Lamoureux. Pour paraphraser Sartre, l’emmerdeur c’est l’autre. On peut trouver bien la médiation sur le principe, mais de là à franchir le pas… La directrice de l’Institut Français de la Médiation (IFM) enfonce le clou « La médiation c’est toujours bien pour les autres. On bute souvent sur le refus d’entre en médiation or la médiation suppose que l’on avance sur un pied d’égalité, bref que l’on soit dans le même sac et ça, ce n’est pas gagné ! ».
A l’amiable
Malgré toutes ces difficultés, Patricia Malbosc est convaincue que « la médiation est l’avenir des entreprises ». Pour la présidente de Planet » Médiation, la présence d’un tiers extérieur à l’entreprise, indépendant et impartial permet aux parties de s’écouter sans s’interrompre, de s’expliquer, de se comprendre mutuellement et ainsi de pouvoir redialoguer ensemble afin d’arriver à conclure un accord. La médiation — explique-t-elle — c’estl’image que l’employeur renvoie à ses salariés avec la prise en compte de leurs besoins et intérêts. « C’est un atout dans la performance de l’entreprise. Des salariés contents et fiers de leur employeur seront plus performants ». C’est aussi l’image à l’extérieur qui se joue. « L’entreprise qui règle à l’amiable ses différends est une entreprise avec laquelle il est agréable de traiter. Déléguer à un tiers extérieur ses conflits, cela permet à l’entreprise de se concentrer sur son cœur de métier et là aussi de gagner en performance ».