Avoir une reconnaissance de travailleur handicapé, c’est avoir une reconnaissance de travail. Les personnes handicapées psychiques peuvent travailler et elles travailleront encore mieux si on leur donne les conditions qui leur conviennent pour le faire. Souvent on s’interroge sur la « bonne » façon d’intégrer des personnes handicapées psychiques, mais c’est un non-sujet même si la démarche est honorable. Elle pêche par excès de bienveillance.
Les employeurs, souvent inquiets, vont chercher à mettre en œuvre des systèmes d’accompagnement par rapport au public qu’ils accueillent et cela ne fonctionne pas, car on tombe dans du « cocoonage », de la surprotection. Ainsi, nous n’avançons plus, car la personne se sent isolée du groupe et donc par extension… mal intégrée ! Il ne faut pas la stigmatiser, la traiter différemment ou la ménager, même si cela part d’un bon sentiment. Au contraire, le management doit être égalitaire, bien qu’individualisé.
Alors certes le management n’est pas tout à fait le même, on ne peut pas prétendre qu’il n’y a pas de handicap quand il y a un handicap. Il existe une RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé), une reconnaissance officielle qui admet que certaines conditions de travail sont nécessaires pour le bon épanouissement du travailleur. C’est important de le prendre en compte, car il s’agit d’une réalité, mais ce qu’il faut comprendre c’est que cela n’empêche pas de travailler et que les conditions de réussite tiennent plus de l’attention à autrui, de l’écoute ou de l’observation que de l’aménagement logistique.
Finalement ce qui caractérise le handicap psychique, c’est le manque de confiance en soi. Par conséquent, l’adaptation que doit proposer l’entreprise est plus de l’ordre du relationnel, de l’humain.
La personne handicapée psychique, un vrai plus pour l’entreprise
Il y a encore peu le mot « handicap » était un vilain mot, c’était « les autres », on naissait avec, c’était tout sauf nous. Aujourd’hui, la notion de « handicap psychique » s’est élargie et n’est plus uniquement connotée psychiatrie. Le handicap psychique est mieux appréhendé, on comprend que cela relève d’événements de la vie de tous les jours (un deuil, un divorce, une reconversion professionnelle mal vécue, du chômage de longue durée, des réfugiés politiques…) et que surtout le potentiel intellectuel des personnes n’est pas altéré. Les personnes handicapées psychiques peuvent travailler. Et justement, trouver du travail et se remettre au travail signifient dépasser ce handicap et peu à peu se rétablir.
Le handicap psychique se soigne par le cumul d’expériences positives, petit à petit la personne se rend compte qu’elle est capable. Au début, le travailleur manque de confiance en lui et n’a de fait pas assez de recul pour reconnaître ses réussites. Il a besoin d’un tiers pour lui montrer ses aptitudes. Au fur et à mesure, le travailleur se convainc lui-même, ensuite il a moins besoin d’être accompagné. C’est alors que le rétablissement opère. Il comprend aussi qu’il n’a pas été recruté pour sa différence, mais bel et bien pour un poste et pour ses compétences.
Le rétablissement opère aussi à un autre niveau en entreprise, assez inattendu, mais bien réel : la cohésion sociale. On remarque souvent à quel point une intégration peut créer l’apaisement au sein de l’entreprise, surtout dans un climat de tension. Pourquoi ? Sûrement parce que cela place les collaborateurs dans une réalité qui n’est pas la leur et face à des travailleurs qui doivent redoubler d’efforts. Chacun relativise ses petits tracas, est plus attentif à ses collègues, se rend compte qu’il n’est pas si mal dans l’entreprise et que peut-être il a des facilités, lui, dans la réalisation de ses missions…
« Quand on voit quelqu’un à côté de soi qui fait des efforts, on positive plus »
Il ne faut pas oublier que le handicap psychique est un handicap invisible. Souvent, l’équipe voit arriver une nouvelle recrue, ne comprend pas ce qu’elle a, il n’y a pas de fauteuil, pas de canne, on s’interroge, on spécule sur son handicap. Et puis on s’aperçoit que cette personne ne se résume pas à sa différence, elle est plus motivée, plus volontaire que la moyenne. Elle est prête à faire plus d’efforts, et pourtant cela lui coûte, elle peut avoir des phases de repli sur elle-même. On entend alors des phrases comme « c’est un bon collègue ! » ou « il/elle fait bien son travail ». Le temps passe, et la personne s’intègre et s’adapte. Cela montre aussi aux autres que la vie n’est pas toujours simple, quand on voit quelqu’un à côté de soi qui fait des efforts, on positive plus.
Alors, répétons-le, pour intégrer efficacement une personne handicapée psychique en entreprise, il n’y a pas besoin d’aménagement (ni technique ni logistique), c’est du temps qu’il faut être prêt à consentir et à donner, de la patience et de la confiance. Le travailleur fera le reste.
Catherine Gonzalez, conseillère d’insertion à Messidor
Philippe Muscat, directeur du Restaurant Interadministratif de Lyon
Le handicap psychique est la conséquence de maladies mentales (à ne pas confondre avec le handicap mental) entrainant un déficit relationnel, des difficultés de concentration, une grande variabilité dans la possibilité d’utilisation des capacités alors que la personne garde des facultés intellectuelles dites normales.
La reconnaissance du handicap psychique s’effectue souvent par l’observation des conséquences de la maladie mentale dans le vécu de la personne. Celles-ci peuvent donc être extrêmement variées en fonction des individus et de leur pathologie. De fait, il n’existe pas de définition arrêtée du handicap psychique. Quelques exemples de maladies mentales pouvant induire un handicap psychique : troubles bipolaires, troubles dépressifs, schizophrénie, paranoïa, névroses obsessionnelles, burn-out… (Source : https://handipacte-mde.fr/)
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