Pour accélérer l’économie à impact, il faut que toujours plus d’acteurs économiques prennent conscience de l’urgence sociale, sociétale et environnementale. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir quand et comment se reproduira la bascule d’une économie largement fondée sur l’épuisement des ressources vers une économie positive, régénératrice et socialement inclusive.
Le credo historique du CJD est de « mettre l’économie au service de l’Homme ». 81 ans après la fondation de notre mouvement, il n’y a pas d’enjeu plus actuel : l’Homme, à la fois individu, acteur économique, citoyen d’un corps social en profonde mutation, habitant d’une planète qui souffre. Nous sommes au pied du mur : pour protéger notre planète et le vivant, chaque acteur économique doit orienter son action de manière à avoir un impact social, sociétal et environnemental positif. Ces trois dimensions sont indissociables comme l’a prouvé le débat public français autour de la crise des gilets qui n’a pas voulu séparer « la peur de la fin du mois » de « la peur de la fin du monde ».
Questionner ses pratiques
Cela ne veut pas forcément dire abandonner la croissance pour la décroissance et la dimension lucrative pour une économie non lucrative. Cela signifie que chaque acteur doit questionner ses pratiques en considérant si, à travers elle, il œuvre un peu, beaucoup, insuffisamment, incorrectement au bien collectif, de manière à identifier comment aller plus loin. Pour cela, les entrepreneurs, notamment, ne sont pas seuls. La recherche explose sur le sujet, de l’agroécologie à l’économie de la fonctionnalité et de la coopération en passant par l’économie symbiotique et le biomimétisme. Il s’agit de visions savantes qui nous guident pour harmoniser notre vie et notre activité économique avec la planète.
La question, véritablement, est celle de la révolution des consciences et de la massification des engagements et revendications. Comment 10 %, puis 20 % puis 30 % puis une majorité des entreprises et des consommateurs deviennent-ils acteurs du changement ?
C’est ce à quoi nous invite Christophe Itier, le Haut-Commissaire à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale, avec son initiative « 10 % pour tout changer ». Christophe Itier voit juste : si 10 % des entreprises de toutes tailles et de tous statuts changent de modèle économique et travaillent à leur « performance globale » (un concept du CJD qu’il a eu bien raison de faire sien !), ils embarqueront avec eux les consommateurs et la bascule ne sera pas loin !
Des accélérateurs de la bascule
L’État a en effet une responsabilité majeure : il a les moyens de donner un tempo et un cadre. C’est pourquoi nous avons porté auprès du Gouvernement la revendication d’un bonus-malus fiscal. Celui-ci bénéficierait aux entreprises vertueuses qui, comme les associations, ont pour activité la réponse à un problème social ou environnemental et celles plus « classiques » qui adoptent des pratiques qui leur permettent d’avoir un impact positif (comme l’insertion dans des circuits courts et dans l’économie circulaire, mais aussi la gouvernance partagée, le partage de la valeur…).
Nous demandons également la création d’un label « technologie durable » pour valoriser les produits, et à travers eux les entreprises productrices, qui font un usage raisonné de la technologie et, par opposition, sanctionner l’obsolescence programmée et le high-tech non durable.
Ces deux mesures seraient des accélérateurs de la bascule. Mais ne nous leurrons pas : il ne sert à rien d’attendre l’initiative publique, si les entreprises et les consommateurs n’agissent pas d’eux-mêmes. Sur le papier, la recette est simple : les entreprises ne doivent plus fabriquer et vendre de produits nocifs et les consommateurs ne doivent plus en acheter. La réalité sera forcément infiniment plus complexe… Mais si la prise de conscience des entreprises rencontre celle des consommateurs, alors l’espoir est permis !