« Le nom d’Arnaud Beltrame est devenu celui de l’héroïsme français », a déclaré dans son allocution le président de la République. Un homme qui accepte de son plein gré d’affronter une mort quasi-certaine, voilà une grande source d’admiration, peut-être d’inspiration, mais aussi qui peut nous écraser : comment, dans notre quotidien nous sentir si peu que ce soit des héros face à un aussi grand sacrifice ?
Romain Rolland a dit : « Un héros, c’est celui qui fait ce qu’il peut. Les autres ne le font pas. » Si jamais j’avais été à la place du colonel de gendarmerie Beltrame, qu’aurais-je fait, aurais-je eu la même audace que lui ?
Probablement non, me dis-je, je me serais caché, j’aurais laissé la victime désignée de prime abord à son pauvre sort, j’aurais pensé à mes enfants… Et aussitôt de me trouver couard à nouveau d’invoquer mes enfants pour justifier mon comportement.
En vérité, c’est vrai pour moi, c’est vrai pour chacun d’entre nous, je ne sais pas comment je me serais comporté. « L’action, ce sont des hommes au milieu des circonstances. » a dit de Gaulle. Citation de militaire qui sait que, sous le feu, il y a de l’imprévisible et que chacun, en effet, fait ce qu’il peut.
Je co-anime le stage dans plusieurs régions du CJD, Le voyage héroïque et j’entends l’objection parfois de participants qui me disent : « je ne suis pas un héros. » J’ai coutume de répondre qu’un héros n’est pas un super-héros. Superman et consorts n’existent que dans la fiction, la toute-puissance n’est pas de ce monde sauf dans nos fantasmes. Arnaud Beltrame met la barre très haute. Mais que savons-nous de ses raisons ? Que savons-nous de ce qui s’est passé pour lui, quel chemin l’a amené à prendre les décisions qui l’ont amené à s’impliquer puis à tenter de désarmer son adversaire ? La veille ou le lendemain, aurait-il fait la même chose ? Ne serait-ce pas le dépouiller de toute humanité que d’en faire un héros d’acier inoxydable. Ce qui est inspirant, c’est de voir – ou d’imaginer – l’homme face à ses doutes, sur le fil de l’incertitude, c’est de savoir qu’il peut faillir, faiblir et peut-être renoncer : « Où serait le mérite si les héros n’avaient jamais peur ? » fait dire Alexandre Dumas à son personnage dans Tartarin de Tarascon.
C’est ainsi que l’héroïsme ne saurait se mesurer indépendamment du moment et de la situation. Jules Renard note dans son journal que « Il est plus difficile d’être un honnête homme huit jours qu’un héros un quart d’heure. » Signifiant ainsi qu’il y a des héros d’impulsion, peut-être inconscients et que ce n’est pas l’acte seul qui fait le véritable héroïsme mais la conscience véritable de celui-ci. Ainsi pouvons-nous conclure par une dernière citation, avec Albert Camus dans le Mythe de Sisyphe : « Si ce mythe est tragique, c’est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine si, à chaque pas, l’espoir de réussir le soutenait ? »
Laurent Quivogne – http://www.lqc.fr/