Aujourd’hui, au niveau local, se prennent des initiatives toutes plus créatives les unes que les autres pour pérenniser une globalisation déjà bien ancrée. Au menu, prospérité territoriale sur fond d’innovation avec, en prime, économie sociale et solidaire mais aussi développement durable !
« Et si nous mettions une partie de l’énergie, de l’argent, de la recherche et de l’intelligence mise dans la construction de l’économie planétaire, au service de l’autre face de la même monnaie, à savoir l’économie locale ? », interrogeait Raphaël Souchier, auteur de l’ouvrage « Made in Local » paru aux éditions Eyrolles. Une question à laquelle de nombreux acteurs ont commencé à répondre au travers d’initiatives toutes plus créatives les unes que les autres au niveau territorial. Pourquoi ?
Tout d’abord pour des raisons évidentes de prospérité : selon une étude, menée par l’association américaine BALLE, il est en effet avéré que, contrairement aux chaînes nationales ou internationales, les entreprises locales ont une capacité, à faire recirculer l’argent perçu, plus de trois fois supérieure (55 % contre 15 %).
Ensuite, prendre des parts de marché aux acteurs majeurs déjà en place avec des positions ultra dominantes, devient parfois impossible pour les petites entreprises. Là encore, un ancrage local apporte son lot d’opportunités. Repenser ces marchés globalisés saturés, avec un ancrage local, permet de donner du sens, de porter des valeurs et d’être, in fine, beaucoup plus attractif.
Enfin, plus rapide, plus simple, plus accessible, une approche multi-locale en réseau, grâce à ses circuits courts, permet de s’inscrire plus facilement dans une politique de développement durable et de répondre ainsi aux urgences : climat, sauvegarde des paysages et de la biodiversité des territoires, réduction de la fracture sociale, etc.
Les territoires musclent leur attractivité
Suite à une forte prise de conscience du grand public, ces questions, jusqu’alors considérées comme du ressort de l’Administration ou des élus, sont devenues, en peu de temps, une préoccupation collective et, au final, la priorité d’entreprises. Ces dernières y voient désormais un relais de croissance avec la possibilité d’aligner valeurs et business. Mais, plus lourd pour les grands groupes, cet alignement fait la part belle aux petites et moyennes entreprises.
Pour y parvenir, elles s’associent progressivement autour d’une démarche d’intelligence économique locale, aux côtés d’agences de développement, de collectivités locales, de mairies, d’associations et de citoyens. A titre d’exemple, le CNER France (fédération des agences d’attractivité, de développement et d’innovation) prépare en ce sens des actions en région aux côtés de partenaires pour aider les collectivités locales et les entreprises à mieux maîtriser l’information et le marketing territorial.
Dans cet esprit, les réseaux de pépinières, très ancrées dans les territoires, représentent également un bon stimulus de l’innovation locale. Réunies au sein de hubs d’open innovation, avec le soutien et l’accompagnement d’acteurs locaux, ces startups sont à l’origine de nombreuses expérimentations technologiques et sociales. Notons au passage qu’en France, nous entrons dans la phase 4 des pôles de compétitivité et que, d’ici 2022, l’Etat les incite vivement à construire des modèles de financement pérennes moins dépendants des politiques publiques, poussant là aussi à innover. « Les filières d’excellence se rapprochent et convergent, voire fusionnent. Tout en gardant leur ancrage territorial de proximité, les pôles enrichissent leur offre aux PME et aux territoires avec de nouveaux outils et services afin dedévelopper desmodèles économiques viables pour rapidement passer d’une logique de subvention à une démarche de service à valeur ajoutée pour les territoires et les filières », rappelle Xavier Roy, directeur général de France Clusters.
Comment développer des écosystèmes locaux fructueux ?
Reste que la réussite de cet ancrage local repose avant tout sur une capacité à identifier les bons partenaires pour développer des écosystèmes industriels fructueux et résilients basés sur la coopération. S’imposent donc, pour identifier les opportunités, une cartographie des acteurs et des axes stratégiques de développement, mais aussi une observation des différents mouvements économiques : projets d’implantation ou d’investissements, levées de fonds, nominations, annonces de recrutement, brevets, appels d’offres, salons, réglementation, etc. Enfin, un suivi des tendances permet de se projeter plus facilement dans le monde de demain pour en saisir les opportunités.
Les consommateurs seront de plus en plus avertis, favorisant l’émergence de nouvelles formes de concurrence répondant toujours mieux aux attentes du marché, aux aspirations et aux besoins de l’époque. Pour ce faire, s’inscrire dans une dynamique d’open innovation, ou innovation ouverte, s’impose, afin de créer ou de modifier les chaînes de valeurs des marchés traditionnels. Côté grands comptes, il serait donc logique de voir se démocratiser le rôle de responsable de l’ancrage local afin de transformer les circuits, en vue d’innover, de produire et de distribuer de manière inclusive, en collaboration durable et donc équitable avec les acteurs locaux. Côté territoires, cela implique de disposer d’une offre solide, coconstruite dans une stratégie locale ou multi-locale, mais aussi d’un marketing territorial, pour être en mesure de collaborer avec ces grands comptes. Deux conditions incontournables pour parvenir à nouer des partenariats.
Clairement, cette convergence doit être bilatérale. En cela, l’économie symbiotique et circulaire, ou encore la technologie blockchain, peuvent faciliter l’inclusion des différentes parties prenantes et renforcer les liens. In fine, celles et ceux qui auront su identifier et devancer ces différentes mutations pour s’en saisir, assureront leur pérennité et obtiendront une longueur d’avance. Et vous, avez-vous mesuré votre ancrage local ?
Mickaël Réault
Crédit Photo : Can Stock Photo – olivier26