Collaborer au lieu de se concurrencer, c’est tout l’esprit qui a prévalu à la création des logiciels libres dont se sont inspirés les fondateurs de Creative Commons en revisitant la notion de droit d’auteur.
« Les Creative Commons (CC), c’est l’esprit des communs —une ressource matérielle partagée, gérée, et maintenue collectivement par une communauté – dans le numérique », résume Danièle Bourcier, directrice de recherche au CNRS et responsable du chapitre France des Creative Commons, créé en 2003.
Deux ans plus tôt c’est en Californie que voit le jour l’association mère sous l’impulsion du juriste Lawrence Lessig dont la motivation principale est de proposer une alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres du droit de la propriété intellectuelle. Tout comme les créateurs des logiciels libres au début des années 80, il s’agit d’encourager de manière simple et licite la circulation des œuvres, l’échange et la créativité. « Face à la création artificielle de rareté via une loi américaine prolongeant le monopole d’exploitation des œuvres de cinquante à soixante-dix ans, le fondateur des CC a souhaité redonner de la liberté aux auteurs.Le mouvement Creative Commons propose ainsi des contrats-types d’offre de mise à dispositiond’œuvres en ligne ou hors-ligne (CD, livre) sous une licence Creative Commons. Ces licences autorisent l’utilisation et la réutilisation de textes, photographies, musiques, sites Internet…. Les licences Creative Commons permettent à l’auteur d’autoriser à l’avance certaines utilisations qui seront faites de ces œuvres au lieu de conditionner leur exploitation à l’autorisation préalable des titulaires de droits. Six licences sont ainsi proposées, de la plus souple à la plus restrictive qui n’autorise ni modification de l’œuvre ni exploitation commerciale. « C’est celle qui a le plus cours en France, le pays où le droit d’auteur a été inventé, précise Danièle Bourcier. On y considère l’œuvre comme le prolongement de l’artiste. Or, une œuvre n’est pas seulement le produit d’un auteur, c’est un objet qui a sa propre vie, qui n’est jamais fini ».A en juger par les derniers chiffres communiqués par l’association Creative Commons, les contenus sous licence CC ne cessent d’augmenter (voir encadré). On en trouve notamment sur Youtube et Wikipédia.
Dans l’air du temps
Pour Danièle Bourcier, cet état d’esprit pénètre également l’Etat, qui a parfois intérêt à ce que des citoyens organisés gèrent ensemble une ressource naturelle, et les entreprises. Les citoyens l’ont compris depuis bien longtemps et nombreuses sont les initiatives dans le domaine de l’énergie, des transports, de l’agriculture… où prédominent la coopération et l’auto-organisation. Et de conclure : « Les CC sont les révélateurs d’un mouvement global vers plus de partage et de coopération, une réaction au libéralisme effréné et à la captation des ressources. Mais c’est une coopération régulée, élaborée par les citoyens eux-mêmes qui préfèrent prendre leur destin en main plutôt que d’attendre que des lois dirigent leur vie ».