TRIBUNE – Comment agir dans un monde complexe ? Face aux crises environnementale et sociale et leur manifestation exacerbée, quel comportement adopter ? Quand la vision fait défaut, un seul recours : rester fidèles à ses valeurs et principes d’action.
Les événements de ces derniers mois marqueront durablement l’histoire de notre pays. La crise des gilets jaunes a exacerbé les tensions au sein de la société française. Une mesure sur la taxation du diesel a mis le feu aux poudres. Qu’est-ce que ce phénomène nous enseigne ?
Effet papillon
D’abord, nous assistons à une incroyable illustration de ce qu’on appelle « l’effet papillon » : un événement a priori insignifiant peut provoquer des conséquences imprévisibles et considérables. Une simple vidéo de protestation postée sur YouTube par une citoyenne inconnue appelant à manifester avec un gilet jaune et la mobilisation prend forme et s’enflamme durablement. Très rapidement en Serbie, un chef de parti revêt ce symbole vestimentaire pour dénoncer la hausse du prix des carburants. En Belgique, un mouvement semblable se crée. Idem en Allemagne et aux Pays-Bas, où des embryons de contestation se parent de jaune. Un peu plus tard, les autorités égyptiennes restreignent la vente de gilets jaunes par peur d’une envie de l’opposition de copier les gilets jaunes français. Début janvier, des « Yellow Vests » manifestent de l’autre côté de la Manche avec des revendications semblables : contre l’austérité, pour une augmentation des salaires, la protection des retraites, la défense des services publics.
Sortir du dilemme
Ensuite, ces réactions en chaîne démontrent à quel point notre monde est aujourd’hui interconnecté. Les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu amplifient la résonnance de ces événements et en multiplient l’impact. Cette complexité nous interdit de prendre chaque phénomène isolément, sans tenir compte de ses possibles conséquences là où nous ne les attendions pas. Taxer le diesel pour des raisons environnementales ne doit pas être pensé sans tenir compte des répercussions sur le pouvoir d’achat des plus modestes. Sans cela, un faux débat oppose deux urgences, celle de la défense de la planète à celle du pouvoir d’achat. Une alternative illusoire dont l’issue ne fera que des perdants. Il faut passer du « ou » au « et », de la disjonction à la conjonction, répondre à ces deux problèmes « en même temps ». Une des clés pour sortir de ce dilemme passe par l’écologie positive, qui entend transformer les contraintes et défis en opportunités et leviers.
Le collaboratif, une nécessité…
Le troisième enseignement de cet épisode que nous vivons est cette certitude que nous ne sortirons pas de la violence par la violence. La sympathie des Français envers les gilets jaunes s’est changée en incompréhension face à la violence dont nous avons tous été témoins. Noyautés et récupérés par les extrêmes, les gilets jaunes se cantonnent à n’exprimer que leur « non ». Les plus constructifs d’entre eux se trouvent marginalisés. A ce titre, l’initiative du Grand Débat mérite d’être saluée. Le CJD partout en France s’est saisi de cette chance qui a été donnée au dialogue et à l’émergence de nouvelles idées. Ces débats sont utiles dans le sens où ils permettent de dépasser la colère et aux participants de se forger la conviction suivante : personne ne détient la vérité, mais chacun en possède une part. Ce constat doit servir de base pour transformer la société. Dans les entreprises, le collaboratif est depuis longtemps une réalité. Les chefs d’entreprise savent pertinemment qu’il faut mobiliser le collectif pour changer durablement les choses. Ils savent mieux que quiconque que cela n’est pas simplement une affaire de communication, mais la condition pour donner une chance au projet de naître et de mûrir. Le collaboratif n’est pas une option ou un artifice, c’est une nécessité ! Au niveau de la gouvernance d’un pays, c’est peu ou prou la même chose. La société a changé et les mesures lancées du haut de la pyramide n’arrivent plus à toucher la base. La société a changé et il est temps de l’accepter, même si cela touche à notre zone de pouvoir ou de confort. Ce Grand Débat est un signe de cette acceptation.
Dans un monde en perpétuelle évolution et aux soubresauts souvent déstabilisants, la posture du CJD reste identique à celle qu’il a toujours adoptée au cours de sa déjà longue histoire : construire plutôt que de se borner à la critique stérile, proposer et expérimenter plutôt se résigner au statu quo, placer l’intérêt de l’être humain au cœur de sa réflexion en refusant d’en faire une simple valeur d’ajustement. Aujourd’hui plus que jamais, ces principes doivent guider nos actions. Ils sont nos boussoles sur cet océan tourmenté.
Catherine Vampouille et Pierre Minodier
Le 23-05-2019