La nécessaire transition écologique va être gourmande en terres rares, dont l’obtention devient de plus en plus problématique. Nous troquons une accoutumance au pétrole contre une accoutumance aux métaux. La lecture du livre La guerre des métaux rares de Guillaume Pitron donne des clefs pour la gérer.
Guillaume Pitron est journaliste et chercheur associé à l’IRIS. Il est l’auteur du documentaire pour Arte La face cachée des énergies vertes. Il a assis sa notoriété avec un livre, La guerre des métaux rares, publié aux excellentes éditions Les Liens qui Libèrent. Un livre vendu à plus de 100 000 exemplaires et traduits dans plus de 10 langues et qui met le doigt sur un sujet majeur qui tend à être invisibilisé : la question de l’importance des métaux et des terres rares dans la transition écologique. Le livre jette un pavé dans la mare. L’opinion publique découvre à ce moment une facette nouvelle de la transition écologique ; les politiques décident enfin de se saisir de la question.
Que nous dit Guillaume Pitron ? D’abord que les métaux se trouvent partout dans notre quotidien, depuis le smartphone que nous consultons presque continuellement jusqu’à la voiture que nous conduisons. Nous consommons 16 tonnes par an et par personne de métaux. Plus précisément, nous consommons des métaux stratégiques, des métaux rares et des terres rares.
Parmi les métaux stratégiques figurent l’Or et l’Argent, mais aussi le Cuivre, le Plomb ou le Zinc. Le cuivre est le grand métal de la transition écologique. Il est nécessaire pour faire passer les grands réseaux électriques haute tension.
Il y a 22 métaux rares dans la classification, parmi lesquels le graphite, le cobalt, l’antimoine ou encore les terres rares.
Ces terres rares, qui comptent parmi les métaux rares, sont présentes un peu partout, mais de façon très diluée. Elles sont au nombre de 17. Ces terres rares s’avèrent indispensables à la nouvelle révolution industrielle liée aux énergies vertes. Elles entrent aussi dans la composition des super-aimants présents dans les turbines des éoliennes et dans les panneaux photovoltaïques. De plus, il faut du numérique pour la transition, car il faut piloter des réseaux. Numérique et énergétique se complètent, mais utilisent les mêmes métaux. Nous allons inéluctablement vers une plus de complexité avec cette explosion de la consommation de ces ressources. « Nous remplaçons notre dépendance au pétrole par une autre accoutumance, celle aux métaux rares. Nous contrebalançons une privation par un excès. Un peu à la manière d’un toxicomane qui, pour stopper son addiction à la cocaïne, sombrerait dans l’héroïne… Au fond, nous ne réglons en rien le défi de l’impact de l’activité humaine sur les écosystèmes ; nous ne faisons que le déplacer. »
L’extraction et le raffinage revêtent une importance capitale. L’extraction a lieu en Chine ou en République Démocratique du Congo. Le raffinage, qui nécessite beaucoup d’eau et des produits chimiques, est réalisé en Chine dans des conditions écologiques plus que douteuses. Les États-Unis sous-traitent le raffinage de ses terres rares à la Chine. Il ne faut dès lors pas être un génie pour deviner l’emprise exercée par la Chine sur le reste du monde. La Chine n’est plus seulement l’atelier du monde. Elle est le pays vers lequel l’Occident a délocalisé son empreinte carbone, sa pollution. Utiliser une technologie verte, c’est souvent polluer… ailleurs dans le monde. « Dissimuler en Chine l’origine douteuse des métaux a permis de décerner aux technologies vertes et numériques un certificat de bonne réputation. C’est certainement la plus fantastique opération de greenwashing de l’histoire. » Avec 80 % de la production mondiale de panneaux solaires et 87 % de la production d’aimants pour les voitures, la Chine domine de loin la concurrence. La transition écologique semble dépendre de son bon vouloir.
Pas de solutions simples
Guillaume Pitron n’est pas climatosceptique ; il ne nie pas la réalité du dérèglement climatique. Mais il montre que le vert n’est pas si rose, que tout n’est pas si simple, que la transition ne consiste pas à basiquement substituer une énergie par une autre. Il est convaincu qu’un monde « bas carbone » sera un monde « hautes matières » et que cela pose des problèmes économiques, écologiques et géopolitiques gigantesques. « Peut-être à cause de la formidable erreur originelle dont nous semble pâtir la transition énergétique et numérique : elle a été pensée hors sol. Les green tech peuvent bien naître dans la tête d’un chercheur en sciences fondamentales, connaître une application concrète grâce à la persévérance d’un entrepreneur, être favorisées par une fiscalité attrayante et des réglementations flexibles, portées par des investisseurs audacieux et des business angels bienveillants, il n’empêche : chacune d’elles, quelle qu’elle soit, procède d’abord beaucoup plus prosaïquement d’un cratère entaillé dans le sol. »
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