Depuis 2018, Thomas Wagner anime Bon Pote, un blog composé d’analyses et de réflexions sur les questions environnementales. En 2021, il quitte son travail dans la finance pour se consacrer entièrement à ce travail journalistique. Aujourd’hui suivi par plus de 100 000 personnes sur les réseaux sociaux, sa popularité est grandissante et Bon Pote, avec deux millions de visiteurs, s’affirme comme le blog francophone traitant des questions climatiques. Interview.
De « branleur » gravitant dans la sphère de la finance à journaliste-militant pour la cause du climat, comment ce grand écart s’est-elle opéré ? Y a-t-il eu un événement déclencheur ou bien cette transformation s’est-elle déroulée sur un temps long ?
La transformation s’est faite très progressivement. Je suis sensible aux sujets sociaux et environnementaux depuis au moins quinze ans. C’est à force de lire sur le sujet que j’ai vu le grand décalage entre l’urgence climatique et le manque de couverture médiatique, et je me suis dit que je devais y consacrer une partie de mon énergie.
Je trouve par ailleurs surprenant et amusant que vous m’appeliez journaliste militant. Premièrement je ne suis pas (encore) journaliste, mais surtout, pourquoi serais-je « militant » ? Un journaliste au Figaro qui écrit sur l’avion « propre » n’est pas militant, mais une personne qui vulgarise un rapport du GIEC où est écrit qu’il faut changer de système économique serait militante ?
Depuis 2018 avec votre média, vous cherchez à évangéliser, à provoquer le sursaut des consciences. Aujourd’hui, le climato-scepticisme semble avoir disparu, ou alors se tapit dans les marges. Les militants pour le climat ont gagné la bataille des idées. Qui sont vos adversaires prioritaires aujourd’hui ?
J’aimerais vraiment que les climatosceptiques aient disparu, mais malheureusement ce n’est pas le cas ! Ils sont juste moins présents sur les plateaux TV, mais si vous lisez les commentaires sous les réseaux sociaux Bon Pote, il y a toujours quelques personnes pour vous expliquer que le réchauffement est naturel..
Aujourd’hui le réel danger est remplacé par les climato-rassuristes, les personnes qui vous expliquent que la technologie va nous sauver, que l’Humain s’est toujours adapté, que la croissance verte va nous sortir de là, etc. C’est le discours dominant des politiques et des grandes entreprises. Il est urgent que cela change.
Petit exercice d’anticipation : imaginons qu’en 2027, vous vous présentiez à l’élection présidentielle. Vous l’emportez. Quelles seraient les trois premières mesures que vous prendriez dès la prise de votre mandat ?
La première porterait sur la précarité énergétique. 12 millions de Français sont dans cette situation aujourd’hui et c’est inacceptable. Un accompagnement des ménages les moins aisés avec un partage juste de l’effort est urgent.
La deuxième porterait sur les transports. Pour être précis : je décuplerais le budget pour développer la mobilité active, notamment le vélo. C’est non seulement un enjeu pour le climat, mais aussi pour la santé des Français ! Une étude de K.Jean & al. (2022) à ce sujet est passionnante à lire. Nous avons plein de co-bénéfices à changer ce système.
Enfin, parce qu’il faut financer cette transition et que sans justice sociale nous n’y arriverons pas, je mettrais en place une taxe sur les superprofits et irais chercher les milliards dont nous avons besoin chez les 1 % les plus riches de la population. Leur mode de vie est insoutenable, tant sur le plan social et environnemental. Je peux les aider !
Quel conseil donneriez-vous à un dirigeant de TPE-PME conscient des enjeux climatiques, mais qui ne sait pas comment se saisir de cette problématique dans son entreprise ?
La première des choses serait de former le personnel. Toutes les mesures, surtout si elles sont contraignantes, seront beaucoup plus susceptibles d’être acceptées si elles sont comprises. Et pour cela, il faut que tout le monde ait conscience de l’urgence.
Le poète allemand Hölderlin est l’auteur de cette formule mystérieuse devenue célèbre : « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ». Pour vous aujourd’hui, quelles sont encore les raisons d’espérer ?
Nous avons notre avenir climatique en mains, et c’est ce qui me motive. Changer le système n’aura pas forcément que des inconvénients. Si je prends l’exemple de Paris, l’idée de ne plus entendre de scooters thermiques et de respirer un air moins pollué me motive comme jamais ! Mais pour cela il faudra des choix politiques forts, et accompagner les personnes qui en subissent les inconvénients.
Si vous aviez un livre à conseiller à nos lecteurs, quel serait-il ?
Je vais tricher, je vais conseiller notre livre : Tout comprendre (ou presque) sur le climat, un livre coécrit avec 28 scientifiques qui répond aux 20 idées reçues les plus courantes. Nous avons eu des retours de personnes plus ou moins conscientes et il a permis à plusieurs lectrices et lecteurs de comprendre l’urgence et de vouloir passer à l’action. Si besoin d’aller plus loin, il y a une liste d’environ 40 livres sur le site Bon Pote.