En 2019 le secteur du transport totalisait 31% des émissions de gaz à effet de serre (GES), l’érigeant parmi les secteurs les plus émissifs au niveau national. Les trajets domicile-travail représentent une part importante de ces émissions : 49% sont des déplacements de moins de 1km, 56% représentent des trajets de 1 à 2km, et 70% représentent des trajets d’au plus 5 km. La crise sanitaire a contribué à la démocratisation du télétravail. Ce nouveau mode de travail, à distance, est apparu comme un outil viable de décarbonation des trajets domicile-travail en permettant de diminuer leur occurrence.
Selon une étude de l’Ademe un jour de télétravail par semaine permettrait de réduire le volume des déplacements de 69% et les distances parcourues journalières de 39%. Ainsi, développer le travail à distance permettrait de réduire d’1,3% les émissions annuelles de CO2 rejetées par les voitures en France.
Cependant, le travail à distance est soumis à de nombreux freins et effets rebonds qui diminuent l’amplitude de son impact sur les trajets domicile-travail.
Télétravail : périmètre restreint et effets rebonds
La part de la population en mesure de travailler à distance reste faible. En France, en 2021, le télétravail était impossible pour 47% des salariés. De plus, à catégorie socioprofessionnelle donnée, le télétravail était plus répandu en Ile-de-France et dans les zones d’habitation denses : 75% à Paris contre 24% dans les communes à faible densité en France hexagonale. Par ailleurs seul 6% des salariés ont travaillé à distance de manière intensive c’est—à-dire 59% de leurs jours d’activité en moyenne. Il s’agit de catégories socioprofessionnelles bien déterminées tels que les cadres occupant peu fréquemment des positions d’encadrant : ingénieurs informatiques, cadres financiers, enseignants chercheurs…
Des effets rebonds additionnels restreignent l’impact écologique du télétravail. D’abord, une hausse de la consommation énergétique au domicile des salariés. Le travail à distance induit un accroissement de l’équipement numérique et une augmentation du flux vidéo lié aux visio-conférences. Selon l’ADEME la fabrication d’un écran d’ordinateur équivaut à 1285 kilomètres de trajet parcourus en voitures en termes d’émissions de CO2. L’usage du chauffage aura également une incidence selon l’isolation de l’habitation et le système de chauffage utilisé (gaz, électrique, pompe à chaleur ou chaudière au fioul). L’éclairage, la consommation des appareils seront également des facteurs à considérer.
Un effet de relocalisation du lieu de vie et d’éloignement du domicile, qui engendreraient un allongement des temps de trajets nécessaires pour se rendre au bureau, sont également à prévoir. Ainsi, ces différents effets rebonds pourraient réduire en moyenne de 31% les bénéfices environnementaux du télétravail. Alors, si le télétravail n’est pas la solution, de quels leviers disposons-nous pour décarboner nos trajets domicile-travail ?
Repenser nos politiques de mobilité
Aujourd’hui en France, les politiques publiques échouent à faire baisser les émissions de CO2 liées à mobilité car les distance à parcourir pour vivre au quotidien ne cessent d’augmenter.
Face à un discours qui promeut une mobilité « intelligente, agile et mobile » les français n’ont jamais possédé autant de voiture et les distances parcourues ne cessent d’augmenter. Un exemple frappant est l’impossibilité, depuis 2020, de refuser un emploi que l’on jugerait trop éloigné de son domicile.
De nombreux investissements ont été réalisés en faveurs des transports collectifs mais ceux si sont plus orientés vers les enjeux d’innovation, tels que l’électrification des véhicules ou les nouveaux carburants, et moins vers les politiques de report modal vers les transports collectifs, la marche, ou le vélo par exemple.
Or, tous nos espoirs ne peuvent reposer sur le développement de la voiture électrique, malgré son potentiel de division par 4 des émissions de CO2 attribuées à la voiture. En effet, il est estimé qu’une voiture thermique achetée en 2020 sera encore en usage en 2035. Ainsi, selon les projections les plus optimistes, la voiture électrique ne contribuera qu’à hauteur de 20% à la réduction des émissions de CO2 de la mobilité sur le territoire français.
C’est par exemple le défi que s’est lancé « 1km à pied », un service RH de relocalisation à destination des entreprises multisites. Selon les données de l’entreprise, il existerait en France pas moins de 12 000 employeurs multisites (collectivités, services publiques, hôpitaux, EHPAD, ménage, transports etc..) dont 62% des employés en moyenne pourraient être réaffectés (environ 7 millions des actifs français)[1]. Pour les employés une diminution des trajets domicile-travail serait synonyme de gain de temps et d’économies financières. Pour les entreprises, les bénéfices se manifestent via un accroissement de la performance opérationnelle, une diminution de l’absentéisme dont le coût s’évalue en millions chaque année, ainsi qu’une baisse des frais liés aux indemnités kilométriques.
Cependant, in fine, c’est bien la politique favorable aux déplacements qui doit être repensée, une politique qui fournisse, à chaque citoyen, des alternatives au déplacement automobile individuel. Pour cela il s’agit d’imaginer des politiques de mobilité à l’échelle des bassins de vie en développant des modes de transport complémentaires et efficaces tels que les réseaux de voies cyclables et piétonnes, les transports en communs, le développement du covoiturage ou encore le développement des véhicules intermédiaires[2].
[1] Données tirées de l’entretien avec Laure Wagner, co-fondatrice de 1km à pied (2022).
[2] « Gilets Jaunes et crise de la mobilité : à quoi le Vrai et le Grand Débats ont-ils abouti » (Forum vies mobiles, 2020).
Crédit Photo : Andrea Piacquadio – Pexels